vendredi 30 octobre 2009

Cinq contes émouvants

Je doute, à vrai dire, qu'être émouvant soit la principale qualité d'une oeuvre pour enfants. Quand je tourne la dernière page dans un silence de mort et que quatre grands yeux humides me considèrent d'un air de vague reproche, je regrette de ne pas avoir choisi Roule Galette comme histoire du soir. Mais il faut reconnaître, par ailleurs, que tirer des larmes au lecteur devient une performance quand on est soumis aux contraintes du genre.

Voilà donc mon top five des histoires lacrymogènes pour enfants (je précise que je n'ai jamais lu la Petite Fille aux Allumettes...):
- La Chèvre de Monsieur Seguin (A.Daudet)
- Marlaguette (M.Colmont)
- Le Petit Soldat de Plomb (Andersen)
- l'Oiseau de Pluie (O.Weulersse)
- Le Vilain Petit Canard (Andersen)

Marlaguette et le Petit Soldat de Plomb sont des histoires d'amour muet et impossible, et des histoires de sacrifice: le sacrifice du loup de Marlaguette, qui se laisse mourir de faim par amour, est volontaire, mais n'est pas plus émouvant que la mise en scène sacrificielle qui entoure la fin du Petit Soldat de Plomb et de sa dulcinée. Ce Petit Soldat joue en outre sur des ressorts qui touchent sans doute plus l'adulte que l'enfant, comme l'évocation de la condition militaire, faite de bravoure et de passivité, et vouée naturellement à l'oblation.

La Chèvre de Monsieur Seguin est également l'histoire d'un sacrifice, sous-tendue par une vision très noire du destin des êtres - des chèvres, en l'occurrence - qui ont le choix entre une vie bornée et une brève et épuisante apothéose. Peut-être faut-il se féliciter de ce que ce choix existe, mais je n'ai pas eu l'impression que cette conclusion optimiste était à la portée de mon auditoire, et avouons que, même pour un adulte, ce n'est pas particulièrement réconfortant.

L'Oiseau de Pluie est, un peu comme Marlaguette, une histoire asymétrique entre un enfant et un animal: captif, cette fois-ci, involontairement, l'oiseau - que l'on voit finalement assez peu - s'envole à la fin et, sans rancune, convoque la pluie sur le village assoiffé; c'est la conjonction de cette liberté retrouvée et cette innocence de l'oiseau qui attendrit. J'y vois l'une des réussites les plus discrètes mais aussi les plus étonnantes de la liste, tant le récit joue peu sur les ficelles de la personnalisation ou des situations dramatiques.

J'ai gardé pour la fin le Vilain Petit Canard, pour lequel je n'ai pas beaucoup de sympathie car le canard est un vrai anti-héros: totalement passif, il ne fait guère que s'apitoyer sur lui-même et n'a aucune part dans la transformation qui en fait, à son insu, un Adonis des pataugeoires. De plus, comme d'ailleurs dans le Petit Soldat de Plomb, Andersen cède au démon de l'accumulation et déverse sur la tête du malheureux palmipède une somme de mésaventures qui rendent l'histoire un peu fatigante à raconter. Mais le ressort majeur de l'histoire fonctionne parfaitement: la terreur de l'abandon et du rejet, la soif d'amour qui possède les petits enfants - et qui est si profonde, et si légitime, qu'il est à vrai dire un peu honteux de l'exploiter si crûment.

Pour les quatre autres, ce sont des histoires brèves et sans paroles, à un ou deux personnages; histoires d'amour, de sacrifice et d'innocence... L'étonnant n'est pas qu'elles touchent les adultes, mais qu'elles parviennent à parler aux enfants de ce qui est encore si loin de leur expérience.


1 commentaire:

  1. Hum, pour moi, la règle implicite du Top 5, quel qu'il soit, c'est de ne pas avoir deux fois le même auteur ! Evidemment, ça fausse un peu tout. Par exemple, si on me demandait un top 5 de mes chansons préférées, il y aurait probablement 5 chansons de Paul McCartney en première approximation... mais je m'astreindrais à choisir 5 artistes différents. Bref, je m'insurge contre la double présence d'Andersen le fou !

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