jeudi 26 novembre 2009

Exit Ghost

"Exit Ghost", le titre, est sans doute ce qu'il y a de plus réussi dans Exit Ghost, le livre. Cette didascalie ramasse en deux mots deux cent pages de symptômes gériatriques entrecoupées de quelques notices nécrologiques et de scènes de dialogue imaginaires entre deux protagonistes en carton-pâte.

Nathan Zuckerman réussit la performance de devenir plus antipathique à son lecteur à chaque nouveau roman: que peut-on aimer d'un homme qui se retranche volontairement de la société de ses semblables? De fait, à la remorque de ce vieux salopard misanthrope et bientôt gâteux, le lecteur traverse les pages sans éprouver une étincelle d'empathie pour les personnages. Pour comble de malheur, Roth-Zuckerman abuse d'un style d'écriture qui confine à l'escroquerie, alternant des phrases entortillées qui prouvent, au moins, qu'il maîtrise la grammaire, avec des litanies d'irritantes juxtapositions supposées, j'imagine, traduire la spontanéité (et l'indigence, en l'occurrence) du discours direct. Le mot le plus employé dans Exit Ghost est très certainement "and".

Ayant craché mon venin, je peux maintenant admettre que Roth explore le thème peu populaire de l'érosion des facultés physiques et mentales avec un sérieux et une détermination qui confinent à l'audace tant, que l'on soit écrivain ou que l'on soit simplement humain, on est tenté de se voiler la face. C'est ce qui fait la qualité de ce livre, qui, avec tous ses défauts, reste un roman original et un projet ambitieux et bien maîtrisé.

D'autres thèmes chers à Roth résonnent en mineur tout au long du livre: la politique dans la société américaine, la virilité et ses complications, les affres du rapport filial, mais aussi, en prolongement, la figure du surhomme. Ce père de substitution est l'objet d'une admiration délirante d'un personnage plus jeune du fait de son talent littéraire, de son intégrité morale ou de son engagement politique: c'est Ira Ringold dans J'ai épousé un communiste, E.I. Lonoff dans Exit Ghost, et le pauvre Seymour Lvov lui-même essaie d'atteindre à cette dignité dans Pastorale Américaine. Dans tous les cas, le roman est construit autour d'un conflit entre deux volontés, l'une qui tend à abattre la statue, l'autre à la préserver.

C'est ce qui explique peut-être en partie que les livres de Roth s'adressent, finalement, soit à un public suffisamment jeune pour croire encore au surhomme, soit à des lecteurs assez mûrs pour affronter l'exploration d'un vieillissement impitoyable. A ce stade, je ne suis ni l'un ni l'autre.

Exit Ghost, Philip Roth, 2009

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