samedi 26 décembre 2009

Le ravissement de Lol V.Stein

Mais quelle mouche m'a piquée pour que j'aille chercher, de Marguerite Duras qui m'inspirait déjà un appétit modéré, l'un des textes les plus "nouveau roman"? Le ravissement de Lol V.Stein malmène l'idée d'intrigue et la notion de personnage au profit de "l'immersion dans les flux de conscience" et d'une "succession cathartique de répétitions d'un traumatisme primaire transposant dans le roman la démarche de cure psychanalytique". (Je cite ici les commentaires d'autres lecteurs, plus compétents que moi). C'est tout ce que j'en dirai ici, car je me suis déjà assez ennuyée à le lire sans, en plus, perdre mon temps à en parler.

Ce qui m'a davantage intéressée, c'est de lire à ce sujet un extrait des considérations d'Alain Robbe-Grillet dans Pour un nouveau roman. A l'époque figure de proue des éditions de Minuit, qui se sont décidément compromises dans tous les cul-de-sac possibles, Alain Robbe-Grillet fustige la conception du roman comme texte mettant en scène des personnages dans le cadre d'une intrigue. Il étaie son point de vue en soulignant qu'aucune des grandes oeuvres contemporaines ne répond à cette définition, citant La Nausée, L'Etranger ou Le Procès dont les personnages principaux sont pratiquement absents, traversés simplement par un flux de perceptions minutieusement restituées au lecteur. De fait, s'il s'agit là de son argument principal en faveur d'un "nouveau roman", il ne paraît pas très concluant, tous ces textes majeurs étant plus ennuyeux et plus secs les uns que les autres. La tentative de mise en chair d'une abstraction métaphysique ou psychologique est infructueuse dans ces romans parce qu'elle y est trop délibérée.

Pour comique que puisse apparaître la suffisance de Robbe-Grillet, il me paraît cependant partir d'un constat juste: "Le roman de personnages [...] caractérise une époque : celle qui marqua l'apogée de l'individu." Je suis bien convaincue que le roman de personnages a encore de beaux jours devant lui, mais il me semble qu'on a effectivement traversé au XXème siècle une sorte de vertige de l'idée d'individu, ou plutôt plusieurs expériences frappantes de la compression et de la réduction de l'individu: plusieurs romans qui sont, eux, parfaitement lisibles à mon goût en témoignent - Une journée d'Ivan Denissovitch ou 1984 par exemple. L'individu y est réduit à son support minimal, un nom, un corps, quelques souvenirs: ces deux romans décrivent le combat des volontés qui s'acharnent, au fond de ces individus niés, à maintenir leur cohérence. Hélas! ce sont des "romans de personnages"...

"Notre monde, aujourd'hui, est moins sûr de lui-même, plus modeste peut-être puisqu'il a renoncé à la toute-puissance de la personne, mais plus ambitieux aussi puisqu'il regarde au-delà. Le culte exclusif de « l'humain » a fait place à une prise de conscience plus vaste, moins anthropocentriste." Voilà ce qu'affirme Robbe-Grillet, et voilà sûrement pourquoi je n'aime pas le nouveau roman: je suis une adepte du culte exclusif de l'humain.

Le ravissement de Lol V.Stein, Marguerite Duras, 1964

2 commentaires:

  1. Pour te remettre de tes émotions :

    http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/2009/12/le-berlin-de-jean-lopez-un-chef-doeuvre-dhistoire-militaire.html

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  2. aha! j'ai déjà lu son Stalingrad et son Koursk... je vais me précipiter sur celui-là. Merci!

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