Dimanche, cinq heures de l’après-midi ; puisqu’on a le temps, on devrait réfléchir, écrire, travailler, ravauder des chaussettes ou éplucher des topinambours, mais le Sénat a pitié de nous et nous offre la meilleure excuse au monde pour, une heure durant, ne rien faire. Sous les ombrages verts du Luxembourg, assis sur de non moins vertes chaises, on peut jouir à son aise de l’impitoyable après-midi d’été et, l’esprit noyé de musique, renoncer un moment à se rendre utile.
J’ai la mémoire musicale d’un poisson rouge, ce qui explique que je ne comprenne pas grand-chose à la grande musique, ni même à la petite. Au bout de douze notes, la ligne mélodique se dissout inexorablement et me laisse désemparée, incapable de saisir la structure d’ensemble de ce que j’entends.
Tant pis ; il reste le son du piano, ces grosses gouttes sonores et lisses qui saturent l’air ambiant, invraisemblances géométriques dont le centre est partout à la fois. L’une parfois se détache tremblante de perfection sur le grondement des notes graves que le pianiste éveille de la main gauche comme si savamment il caressait la tête d’un tigre. Et ces notes uniques, que tout ce qui précède, arpèges, accords et autre fourbi solfégiaque, n’a fait que mettre en scène et annoncer, vous mordent le cœur d’une émotion sans nom, amour ou joie ou chagrin – on ne sait – purs de tout objet.
Dimanche, cinq heures de l’après-midi ; sous les ombrages verts du Luxembourg, alors qu’on vient de bousculer une vieille dame pour lui piquer la dernière chaise, on se souvient soudain qu’on a une âme.
lundi 12 juillet 2010
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Brillant !
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