Esprit nomade est l’exposition qui orne aujourd’hui les grilles du Luxembourg. Les auteurs, deux photographes italiens, ont parcouru les déserts « de sable, d’herbe et de neige » et présentent les nomades qui les arpentent en mêlant les photos prises dans différentes parties du monde, faisant ainsi ressortir les traits communs du mode de vie nomade à travers les continents : rigueur des conditions naturelles, parcimonie des prélèvements sur le milieu traversé et frugalité d’un mode de vie adapté à des environnements avares, importance vitale du groupe.
Les photos sont parfois belles, plus souvent frappantes, comme ce paysage de dunes recouvertes de neige ou ce visage Touareg au regard aigu ; en revanche, les légendes sont d’une déroutante niaiserie, et gâchent complètement le plaisir de l’exposition. On finit par trotter de panneau en panneau à la recherche du commentaire le plus platement moralisateur.
Je décernerais la palme à cette explication, sous-titrant une photo que j’ai du coup complètement oubliée : le mode de vie des nomades ne connaît pas les frontières, lesquelles frontières ont suscité des nationalismes et par suite des guerres. Oui, vive les nomades !
Prix spécial du jury à l’idée, un peu ressassée au fil des photos, que le nomade (oui, « le nomade » : j’adore, dans ce contexte, cette formulation invraisemblablement conservatrice) préserve son environnement en exerçant sur les pâturages et autres terrains de chasse une pression minimale, alors que le sédentaire est un gros goret qui choisit d’ignorer l’influence malfaisante qu’il exerce sur son habitat. Remarquez, il a intérêt à préserver son environnement, le nomade, parce que dans le cas contraire le retour de bâton est assez rapide.
Prix de l’énoncé contradictoire à la mention d’une maîtrise « innée » de l’espace par ledit nomade, juste après une phrase qui indique que les nomades sont accoutumés depuis leur plus jeune âge à se repérer dans de vastes étendues vides.
Franchement, je me demande où on veut en venir avec ce genre de discours. Gambader dans les déserts demande sûrement une force d’âme peu commune, mais cette activité peut difficilement être proposée comme modèle de civilisation puisque les nomades sont obligés de se consacrer très largement à la subsistance (le déplacement étant une modalité d’ycelle), ce qui limite considérablement les possibilités d’écrire l’Iliade et d’inventer le vaccin contre la rage. Pour ma part, si on veut mettre en rapport environnement (vive les ascètes nomades) et sciences et cultures (vive les gorets sédentaires), je donnerais toutes les baleines et la moitié des tigres blancs pour l’Iliade (enfin, n’exagérons pas : disons l’Iliade, l’Odyssée, et, voyons, Autant en emporte le Vent ?).
Esprit Nomade, Tiziana et Gianni Baldizzone, 2010
samedi 3 juillet 2010
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