Fatherland est un roman policier qui se déroule dans l’Allemagne nazie de 1964. Le Reich a gagné la guerre en Europe et a établi un équilibre de la terreur avec les Etats-Unis grâce aux armes secrètes de Peenemünde. Alors que Kennedy, président des Etats-Unis, s’apprête à renouer des relations diplomatiques avec le Reich et à mettre fin à la guerre froide, Xavier March, inspecteur de la Kripo, se lance après la découverte du cadavre d’un ancien haut fonctionnaire dans une enquête qui dérange rapidement la Gestapo et qui va confirmer tous les doutes qu’il nourrissait, malgré l’absence de terme de comparaison, sur le régime nazi.
Robert Harris bâtit un roman d’enquête tout à fait conforme aux standards du genre, avec les clichés narratifs habituels (pensées fulgurantes de l'enquêteur retranscrites d'une phrase en italique, par exemple). Son détective est comme de juste solitaire et mal vu de sa hiérarchie; il trouve, de façon hautement prévisible, un appui inattendu auprès d’une jeune fille pour laquelle il nourrit rapidement des sentiments plus qu’amicaux. L’originalité de l’intrigue repose pour une part dans le fait que le lecteur averti se doute assez vite, et en tous cas plus vite que le Sturmbannführer March, de ce que l’enquête va révéler. Surtout, le destin de Xavier March, grâce au contexte particulier dans lequel Robert Harris le fait évoluer, est pour une fois de nature à accrocher le lecteur. A la sempiternelle menace de mort pesant sur tout bon enquêteur de polar s’ajoute un cheminement intérieur qui n’est pas tant décrit ou commenté qu’évoqué par des allusions rapides ou traduit dans les actes du héros : de ce fait, le lecteur participe au chemin de croix de March sans pour autant qu’on lui inflige un déballage de sentiments.
Mais la qualité principale du roman est évidemment en premier lieu dans la crédibilité de ce Reich de trente ans et du monde qui l’entoure. Le travail de Robert Harris pour peindre un régime stabilisé mais resté totalitaire et belliciste et un Berlin parsemé par Speer de constructions monumentales, la transposition de l’ambiance des années 1933-1945 – corruption, brutalités policières, dénonciation des crimes sexuels – sont tout à fait réussis et font de Fatherland un roman original sans être prétentieux.
Fatherland, Robert Harris, 1992
Traduction Hubert Galle
samedi 24 juillet 2010
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