samedi 31 juillet 2010

Inception

Inception est l’histoire d’un spécialiste de l’effraction dans les rêves poursuivi par son passé, à qui l’on confie une mission quasi impossible qui doit lui offrir la rédemption. Tout l’intérêt du film tient au parti que le réalisateur peut tirer de cette excursion dans le monde du rêve dont il fixe les règles, et qui lui permet un voyage dans le subconscient de son héros.

Inception dure 2h28, et c’est au moins une heure de trop. Sur le plan formel, Christopher Nolan ne nous épargne aucune des ficelles à grand spectacle qui permettent de faire durer : ralentis interminables (justifiés par la distorsion du temps dans les rêves, mais ça ne les rend pas plus intéressants), poursuites et fusillades chorégraphiées d’une valeur narrative discutable, flash-backs lourdauds et répétitifs, exposés pédagogiques du héros à son assistante, le tout souligné pesamment par une bande originale omniprésente et pas spécialement subtile.

Sur le fond, l’intrigue accumule les emboîtements de rêves qui, une fois qu'on a compris le principe, n’apportent pas grand-chose. L’équipe de Cobb, le voleur de rêves interprété par DiCaprio, installe un dispositif de connexion qui lui permet de construire un rêve que les membres de l’équipe partagent avec leur victime ; dans le rêve, l’équipe de Cobb installe un dispositif de connexion qui… etc. Ces emboîtements explicites n’ont rien de déroutant car ils obéissent tous aux mêmes règles et Christopher Nolan ne se donne même pas la peine d’amener un réel changement d’ambiance. Les décors, bien sûr, changent, et de façon assez balourde – il n’est pas forcément utile à l’histoire qu’une partie du film se déroule dans une sorte de forteresse arctique – mais le poids et la couleur du rêve ne changent pas, ce qui est absolument contraire à l’expérience.

En fait, les rêves de Nolan n’ont pas vraiment d’ambiance au-delà de leurs décors, notamment parce qu’ils n’ont pas de personnages : tout le monde y est éveillé, avec son aspect et ses réactions normales, et les seuls personnages oniriques, les « projections » sont bien falotes. J’aurais aimé voir Christopher Nolan prendre plus de risques et assumer des échappées dans l’illogisme jusque dans le comportement des personnages, au lieu de cantonner l’imprévu du rêve à sa topographie. J’aurais aimé également voir davantage exploitées les possibilités offertes par des emboîtements plus sournois, qui ne seraient pas annoncés par l’installation rituelle et la connexion des dormeurs ; les rares exemples de tels emboîtements dans le film sont intéressants et déroutants pour le spectateur qui partage le doute croissant du personnage et hésite entre rêve et réalité.

Autre élément de frustration, le recours au passé de Cobb pour dramatiser l’enjeu de sa mission n’est pas très inventif, et c’est d’autant plus regrettable que ce passé nourrit aussi la matière des rêves traversés. La femme de Cobb est morte sous ses yeux et il est séparé de ses enfants (le motif à répétition des deux enfants perdus, une fillette et son petit frère jouant dans l’herbe ou sur le sable, m’a particulièrement énervée…) ; le succès de la mission lui permettra de les retrouver. Original, non ? Il est vrai qu’on a peu de temps, entre deux mitraillages, à consacrer à l’arrière-plan psychologique de notre héros, et qu’une bonne tragédie vaut mieux dans ces conditions qu’une névrose ordinaire. Dommage, car la visite guidée du subconscient de Cobb aurait pu devenir bien plus trouble : il est bien étrange, par exemple, que son univers intérieur soit complètement asexué.

Malgré tout, j’ai passé un bon moment devant Inception, grâce à Leonardo DiCaprio. Malgré son physique d’ex-jeune premier et ses petits yeux en billes de porcelaine, DiCaprio parvient à nourrir un personnage pourtant assez plat sur le papier et à lui communiquer une réelle intensité. Servi par une caméra attentive et entouré par un casting assez réussi, c’est lui qui insuffle au film ce qu’il a de prenant.

Inception, Christopher Nolan, 2010

2 commentaires:

  1. Chère Abige,
    J'ai beaucoup aimé votre article récent dans Le Monde sur les excès de référence à l'histoire. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis de découvrir votre blog. To make your day, je vous fais partager ma surprise à la lecture de Semmelweiss, le thèse de doctorat en médecine de Céline. Il est d'ailleurs presqu'incompréhensible que ce texte purement littéraire et déjà passablement violent ait pu être accepté comme thèse de médecine dans les années vingt...Vous l'avez sans doute lu; on le trouve dans l'Imaginaire de Gallimard. Tout Céline, le "bon Céline", s'y trouve: une passion contre la bêtise, l'obsession de la misère, la compassion pour ses victimes, l'omniprésence de la maladie, de la mort, la paranoïa aussi, mais ici au service du bien en quelque sorte. Il s'identifie évidemment à ce médecin génial, fils d'épicier, incompris et faisant tout pour le rester...Une prose déjà torrentielle et lyrique...dans une thèse de médecine. Fascinant!

    nota: je ne comprends rien à la sélection de profil que vous demandez, je mets au hasard...

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  2. Merci pour votre visite et pour votre conseil; je ne connaissais pas ce texte qui a l'air très curieux, je vais me le procurer et mettre cela sur la pile "à lire"...

    quant aux profils, je n'y comprends rien non plus, je fais confiance à Blogger! vous avez franchi l'obstacle, en tous cas, c'est le principal.

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