Partie samedi arpenter les quais en quête d’un peu de lecture, j’ai pioché l’Ecole des femmes et la Pharisienne au hasard de piles de livres de poches roussis par l’âge. Ces deux romans abordent à une dizaine d’années d’intervalle un thème très proche : celui de la morale privée lorsqu’elle entre en conflit avec la morale publique.
L’Ecole des femmes, roman très bref et d’une sèche délicatesse, raconte ce conflit à travers trois moments dans la vie d’une femme : la découverte de son futur mari, à qui la jeune fille prête de hautes vertus alors que le lecteur décèle déjà en lui un esprit terre-à-terre et fort préoccupé de lui-même ; le conflit intérieur qui amène la femme mariée, alors que ses yeux se sont dessillés, à renoncer à quitter cet homme ; la résolution finale qui la précipite dans une forme de suicide socialement acceptable.
La Pharisienne est l’histoire d’une femme qui persécute son entourage au nom de la perfection morale, jusqu’à ce que le spectacle des tourments qu’elle a contribué à causer l’entraîne à douter. Après avoir cherché à réparer les torts dont elle se sent coupable, Brigitte Pian devenue vieille connaîtra une bizarre rédemption au travers d’une relation amoureuse incongrue.
L’un et l’autre livre dépeignent sous un jour peu flatteur l’influence de la religion, dont l’abbé Bredel d’une part, Brigitte Pian d’autre part font d’abord un ciment social avant d’être une voie d’élévation spirituelle de l’individu. Or pour la société, c’est l’apparence, le respect des conventions et des institutions, qui est primordial. L’effort de Robert, le mari vain et pompeux de l’Ecole des femmes, pour paraître (et non pour être) moralement irréprochable est un effort socialement salutaire ; l’épouse qui l’a percé à jour doit s’attacher à maintenir l’illusion, notamment pour les enfants. Quant à la pharisienne, le titre même indique bien que c’est cette religion toute de tête et non de cœur, toute de prescriptions et non d’élans qui est visée. Car bien sûr Mauriac n’est pas Gide, chez qui l’on ne trouve pas grand monde pour redorer l’image de la foi. Au contraire, dans la Pharisienne le personnage de l’abbé Calou représente une religion de l’amour : habité par la tendresse pour ses pupilles et oublieux des convenances et des pièges de la vie sociale, l’abbé Calou en viendra, grâce à la vipérine Brigitte Pian première manière, à se faire priver par l’évêché de ses responsabilités pastorales.
Ni l’Ecole des femmes ni la Pharisienne ne m’ont vraiment passionnée. Ces galeries de personnages antipathiques et puant la naphtaline illustrent des conflits qui nous sont devenus de plus en plus étrangers à mesure que la morale publique, telle qu’elle se traduit dans les institutions, et la morale privée issue du sentiment convergeaient. Je ne sais pas si la cohérence de la société y a beaucoup perdu, mais pour les individus, c’est toujours un souci de moins.
L’école des femmes, André Gide, 1929
La pharisienne, François Mauriac, 1941
mercredi 21 juillet 2010
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