lundi 20 septembre 2010

Suites pour violoncelle seul

Mardi 14 et mercredi 15 septembre, Yo Yo Ma jouait au Théâtre des Champs Elysées les six Suites pour violoncelle seul de Bach. J’ai assisté à la première soirée, consacrée aux suites impaires.

Drôle d’idée que ces suites, avec l’arbitraire féroce de leur structure dans laquelle se déploie la liberté de leurs motifs. Pendant une heure et demie, tout y paraît signe d’un sens qui ne cesse de se dérober. Sans doute parce qu’il est seul offert aux regards, le violoncelle lui-même, immobile, symétrique et luisant, acquiert l’aspect péremptoire et hermétique d’une rune. Les mouvements de l’archet et ceux des doigt de l’interprète sont précis et déterminés comme une calligraphie ; et la voix du violoncelle chante comme celle d’un homme, dans une langue qu’il suffirait de peu de chose pour comprendre mais qui, comme dans un rêve, n’en finit pas de déplier ses couches de mystère sans jamais vous laisser saisir son message. Cette impression étrange et vaguement onirique est amplifiée par la magie d’une construction quin en entrelaçant deux phrases musicales (du moins est-ce l’impression que j’ai eue) fait chanter à deux voix cet instrument qui me semble bien pourtant n’en avoir qu’une.

Tâtonnant ainsi dans une sorte de labyrinthe, l’esprit subit cependant l’effet apaisant d’un son vibrant qui semble s’adresser directement au plexus de l’auditeur, si bien qu’on respire la musique plus qu’on ne l’écoute. L’entendement cesse peu à peu de se rebiffer contre ce message qui n’est pas fait pour lui, et vous laisse dériver tranquillement au long des ondes. Il ne manque alors pas grand-chose pour qu’enfin rendu à soi-même on avance de quelques pas vers un mieux que l’on peine à définir, un approfondissement, une vérité… mais non, on a beau sautiller, on retombe. Comme dirait le Chinois fou dans le Lotus Bleu, il faut trouver la voie : ça ne sera pas encore pour aujourd’hui.

3 commentaires:

  1. Et si... Je suis presque certain d'avoir un jour appris que certains, il y a fort longtemps, liaient intimement le bien, le beau et le vrai...
    Ne demandons ni à Bach, ni à Yo plus qu'ils n'ont à donner ; en nous offrant le beau, peut-être nous aident-ils seulement à aller vers le vrai. Et donc, à trouver la voie ! (Trouver la voie sans perdre la tête, n'est-ce pas d'un grand réconfort ?)

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  2. Ouah, je suis vachement jalouse! Yo Yo Ma, c'est carrement plus rare qu'un loup!

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  3. Oui, c'est bien ce que je voulais dire. Ils nous aident à trouver la voie, sauf que ça ne se fait pas en un jour, manifestement...

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