jeudi 7 octobre 2010

La cité Saturne

Je suis parfaitement inculte en matière de bandes dessinées en général et de mangas en particulier, mais il se trouve que le rayon mangas est le premier sur lequel on tombe en entrant dans la bibliothèque municipale. N’écoutant que mon courage qui, en matière littéraire, est sans limites, j’ai donc emprunté les deux premiers volumes de la Cité Saturne.

On y suit un adolescent nommé Mitsu qui, armé de sa bonne volonté, de son affection pour les faibles et de son respect pour les forts, fait ses premiers pas dans la vie active à l’ombre d’un père tragiquement disparu cinq ans plus tôt. La psychologie des personnages n’est pas très fouillée, comme on l’aura compris, pas davantage d’ailleurs que leurs corps ou leurs expressions qui sont dessinés sans doute avec habileté, mais auxquels le cadre de la bande dessinée ne rend pas justice : ces successions d’attitudes déconnectées les unes des autres, tantôt stéréotypées et tantôt décalées, produisent une désagréable impression de superficialité, à la manière d’un roman photo. La maigre place laissée au texte ne corrige pas cette faiblesse et la juxtaposition des textes et des dessins paraît impuissante à rendre nombre d’effets, ce que compensent difficilement quelques indications griffonnées sur l’image (par exemple « vêtements trop serrés » à côté d’un personnage qui ne paraît pas aussi boudiné qu’il le devrait).

Si la cité Saturne est décevant de ce point de vue, l’auteur est en revanche bien plus à son affaire pour représenter l’univers dans lequel évoluent les personnages. Dès que le cadre s’élargit un peu, que l’on aperçoit un couloir, un jardin, une chambre ou un bâtiment, l’omniprésence de l’image reprend tout son sens. Une fois les personnages mis à distance, vus de loin ou enfermés dans des combinaisons anonymes, le caractère statique et un peu schématique de la représentation ne perturbe plus le lecteur qui peut jouir à son aise de la variété des angles de vue et du soin apporté aux compositions. Et si l’on s’agace de la pauvreté forcée des dialogues et de la psychologie sommaire des personnages, on s’intéresse en revanche à ce monde artificiel et discrètement cruel que Hisae Iwaoka dévoile par petites touches.

Grâce à cela, la narration à épisodes, qui suit l’insipide Mitsu au fil de péripéties sans grand intérêt conçues comme une sorte de roman d’apprentissage délayé, reprend un intérêt en devenant prétexte à une découverte nonchalante de ce satellite de verre et de métal à l’intérieur duquel les hommes semblent n’avoir aucune prise sur leur destin. Il faut espérer que l’auteur creuse cette veine et qu’au fil des volumes nous soit révélé le mystère de cette espèce de fourmilière spatiale. C’est ce que semble promettre d’ailleurs le choix du titre ; on acceptera peut-être dans cette perspective de subir quelques pages de plus la compagnie sans grand attrait du morne Mitsu.

La cité Saturne 1 (2009) et 2 (2010), Hisae Iwaoka

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