Je ne suis pas sûre d’avoir bien saisi l’intention de cette exposition qui réalise, dans la collection de Juan Antonio Perez Simon, une sélection d’œuvres « espagnoles » (encore que l’on se demande un peu ce que Picasso, Dali ou Miro ont de si spécifiquement espagnol) pour les présenter au public par thèmes : les fêtes, l’adoration, la vie religieuse, l’enfance, la mer et le soleil, les femmes, les portraits...
J’ai beau chercher, je ne vois pas ce que j’ai appris en déambulant par exemple entre une vierge ravie de Murillo et un Christ radioactif de Dali, et je ne vois pas l’intérêt de cette présentation par thèmes dont les joies très formelles s’épuisent assez rapidement. Si l’on peut constater en effet que la construction et le point de vue des représentations de fêtes, par exemple, évoluent avec le temps, d’un esprit très institutionnel plaçant au centre les plus haut personnages encadrés de bâtiments d’une classique majesté à une subjectivité beaucoup plus assumée, on ne peut ni prétendre qu’on ne le savait pas depuis longtemps, ni renouveler l’expérience à chaque nouveau thème, d’autant que certains d’entre eux n’apparaissent, si l’on en croit la sélection réalisée, qu’au XIXème siècle.
De plus, les choix d’œuvre sont parfois franchement artificiels : quelle idée de mettre dans la salle consacrée à la mer et à la lumière, et exposant principalement les grands tableaux lumineux et intimistes de Joaquin Sorolla, une esquisse minuscule de la Pêche au Thon dans laquelle Dali transforme ses pêcheurs nus aux muscles exorbités en créatures poséidonesques, étreignant à pleins bras les flots sanglants ! Il paraît évident que ce sont ces corps et la violence de leurs postures qui ont inspiré Dali, plutôt que le jeu de la lumière sur les ondes ; du coup, on ne voit absolument pas le rapport avec les tableaux de Sorolla.
Difficile, au travers de ces cinquante-deux tableaux choisis par la fantaisie d’un commissaire dans le choix déjà opéré par Juan Antonio Perez Simon, de se faire une idée d’une très hypothétique « peinture espagnole ». Que dirait-on d’une exposition qui couvrirait en cinquante toiles la « peinture française » de Poussin à Cézanne ? En fait une telle collection privée, par définition non représentative, aurait sans doute plus à nous apprendre sur le collectionneur que sur toute autre chose ; j’aimerais voir un jour une collection exposée et commentée par le collectionneur lui-même, ce qui serait abominablement narcissique, mais qui aurait une chance d’être fascinant, si l’homme l’est aussi.
Du Greco à Dali, musée Jacquemart-André
jeudi 29 juillet 2010
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Même si je ne lis pas l'exposition comme toi, j'ai globalement la même analyse sur son organisation : le contenu n'est pas à la hauteur des espérances suscitées par le titre.
RépondreSupprimerJ'ai retenu l'intérêt de quelques tableaux, en particulier ceux qui reprennent le thème de la mer (et des vaches!), version impressionniste.... plus par passion personnelle sans doute. Et la salle de tableaux de femmes: plus par l'intérêt des modèles d'ailleurs que pour ce que l'accrochage prétend apporter dans la compréhension de la représentation du féminin par la peinture espagnole.