Sous le soleil de Satan est l’adaptation d’une pièce écrite par Georges Bernanos en 1926. Le film raconte l’histoire du sacerdoce de l’abbé Donissan, espèce de Julien Sorel à l’envers, épais comme un taureau et pliant sous le poids de la grâce divine. Sa première affectation, auprès du curé Menou-Segrais qui reconnaît en lui cette grâce, se passe mal. Les paroissiens ne l’aiment pas, le jeune abbé doute de lui-même; il est mis à l’épreuve par le Malin en personne qu’il rencontre au crépuscule sur une route déserte et qui ajoute à ses maux une mystérieuse clairvoyance. En rentrant au presbytère, Donissan croise Germaine Malorthy et comprend aussitôt qu’elle a sur la conscience le meurtre de son amant; les paroles qu’ils échangent poussent la jeune fille au suicide et Donissan à quitter la paroisse. On le retrouve ensuite, plusieurs mois ou plusieurs années plus tard, curé de Lumbres, au milieu d’ouailles qui le soupçonnent d’être un saint et le poussent à mettre la grâce à l’épreuve. Donissan ressuscite ainsi un enfant mort avant de s’éteindre, épuisé, dans son confessionnal.
Soyons clairs, ce film est laid, ennuyeux et piètrement joué. L’image est plate et pauvre comme si Pialat doutait de la capacité du spectateur à traiter plus de deux objets à la fois ; de plus, elle est fatalement monotone, s’étirant en plans fixes interminables et en champs – contrechamps conventionnels au rythme des tirades extraites de la pièce. Le soleil de Satan est voilé en permanence par les nuages et tout le film baigne dans une lumière grisâtre de sacristie. Surtout, le jeu des acteurs, et notamment d’un Depardieu expressif et transparent comme un bloc de savon, est totalement impuissant à rendre la nature et la complexité des conflits qui se jouent en eux. Leurs mots de ce fait apparaissent arbitraires, obéissant à une logique que l’on ne saisit pas, comme si les personnages étaient possédés: les dialogues de Donissan avec Satan, puis avec Mouchette sont particulièrement frappants de ce point de vue.
En réalité, la qualité et l’audace de ce film résident sans doute essentiellement dans le projet d’adapter Bernanos, et d’aborder ainsi, sujets assez rares au cinéma, les questions de la grâce et de l’orgueil. De ce point de vue, Sous le soleil de Satan est un film dérangeant qui montre le visage rébarbatif de la grâce, son caractère ambivalent et problématique: comment accepter la grâce sans la mettre à l’épreuve, et que reste-t-il de cette grâce une fois qu’elle est éprouvée? le miracle est une preuve d’abandon, mais aussi une preuve d’orgueil, puisqu’il va contre les voies divines : serait-il dès lors, comme la grâce, une illusion diabolique ? Le film n’apporte pas de réponse à cette question soulignée par un épilogue grinçant : Donissan qui se sent mourir demande à Dieu de le maintenir en vie « s’il peut encore être utile à quelque chose ». Manifestement, Dieu n’a plus l’usage de son serviteur, puisqu’il passe de vie à trépas dans le quart d’heure. L’humilité lui interdit de vaincre sa propre mort comme il a vaincu celle d’un enfant ; mais quelle sinistre réponse du Très-Haut à cette question de Donissan sur le sens et l’utilité de son existence !
Sous le soleil de Satan, Maurice Pialat, 1987
vendredi 8 octobre 2010
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