jeudi 10 février 2011

Michel Onfray et le droit à l'athéisme

(Michel Onfray parle d'athéisme, d'anti-cléricalisme, de laïcité et de Michel Onfray dans le Monde, et il m'agace).

On doit à Michel Onfray une récente tribune intitulée « Du droit à l’athéisme ». Assez curieusement, cet homme qui fait profession de penser ne parvient en l'occurrence à aligner sur le sujet qu’une collection d’opinions de comptoir que ne relie aucune apparence de raisonnement. De l’histoire de l’athéisme (fort résumée) à l’absence d’anti-cléricalisme chez l’auteur, illustrée par une touchante anecdote, en passant par une laïcité promptement balayée comme effet de mode s’exerçant « au détriment de l’athéisme », on ne comprend ni où M.Onfray veut en venir, ni en quoi il justifie son titre : car enfin la notion de droit n’est jamais évoquée dans son texte. S’il s’était souvenu de ce titre, peut-être aurait-il, dans un éclair de lucidité, compris en quoi la laïcité qu’il méprise s’articule à l’athéisme qu’il promeut.

C’est sur le plan du droit en effet qu’au premier chef la laïcité de l’État donne à l’athéisme, comme conviction, la possibilité d’exister. C’est une évidence, et l’on s’étonne d’avoir à le rappeler : quant à regretter que la laïcité permette « aux judéo-chrétiens » (s’il y a ici des judéo-chrétiens, levez la main ! je n’en connais aucun) « de conserver les nombreux acquis de l’ancienne religion longtemps dominante », non sans laisser leur place aux musulmans, autant dire que l’on déplore que la laïcité soit laïque ; c’est à se demander ce que M.Onfray voudrait mettre à la place. Et comment diable (c’est bien le mot) la laïcité pourrait-elle s’exercer « au détriment de l’athéisme » ? Souhaiterait-on faire à l’athéisme comme conviction une place privilégiée dans l’espace public ? Dans ce cas en effet, la laïcité est contre-productive. Créant pour l’athéisme comme conviction un espace de droit sans toutefois favoriser cette conviction, la laïcité est cependant l’horizon institutionnel le plus favorable auquel puisse prétendre un athéisme humaniste.

De plus, si elle est la condition du droit à l’existence d’un athéisme de conviction et si, en cela, le principe politique précède la conviction métaphysique, on peut aussi voir dans la laïcité la traduction politique d’un athéisme philosophique que je qualifierai ici de « faible » parce qu’il n’implique aucune conviction quant à l’existence de Dieu. L’athéisme, au sens étymologique, qu’est-ce d’autre que la caractéristique de ce qui est « a – thée », sans dieu ? Non pas forcément par conviction, mais par essence, par définition ou par accident, comme on voudra. Ainsi la science est-elle athée, puisqu’elle s’arrête là où l’on choisit de faire appel à l’hypothèse de dieu (pour reprendre la célèbre formule de Laplace présentant à Napoléon son traité de mécanique céleste : « la Providence, Sire ? je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse »). La musique est athée, fut-elle sacrée, et la grammaire est athée. Toute théorie, toute construction intellectuelle qui ne s’appuie pas sur l’hypothèse de dieu est athée, au sens faible : et de même les institutions de notre République sont-elles parfaitement athées, quand bien même elles reconnaîtraient l’existence de religions – ce qui ne comporte nul postulat quant à l’existence de Dieu.

Or cet athéisme au sens faible, cet athéisme adjectif pourrait-on dire, parce qu’il n’existe qu’accolé à une réalité dont on constate le caractère athée, se trouve à la racine même de tout humanisme si l’on accepte de qualifier ainsi une démarche qui tente d’explorer, de maîtriser et d’accroître le champ de la liberté et de la raison humaines. Liberté, égalité, fraternité : la devise a beau avoir été inventée, plus ou moins, sous les auspices de l’être suprême qui n’en pouvait mais, elle n’est inspirée que par l’homme. Athée donc notre nation, sous la devise qu’elle s’est donnée, athée notre République, athée notre laïcité ; et réciproquement, laïque cet athéisme faible qui n’existe pacifiquement que jusque-là où l’on ne pourrait plus se passer de Dieu.

Qu’est-ce donc à la fin qui ennuie tant M.Onfray, dans ces liens qui unissent l’athéisme adjectif, l’athéisme nominal (celui de l’athée), et la laïcité ? Il n’y a certes nulle équivalence entre ces trois concepts ; pour autant, n’y avait-il vraiment rien d’autre à dire sur le sujet qu’une sentence opposant en une phrase athéisme et laïcité ? De la part de quelqu’un qui a pourtant dû réfléchir au sujet, c’est un peu court en somme…

2 commentaires:

  1. "Toute théorie, toute construction intellectuelle qui ne s’appuie pas sur l’hypothèse de dieu est athée."

    Ça c’est bien vrai. D’autre part je trouve que tout argumentaire qui s’appuie sur le théisme est forcément invalide puisque l’axiome “Dieu” n’est pas prouvé ou reconnu par tout le monde. Donc sauf dans le contexte d’une conversation sur Dieu, justement, Dieu n’a pas de place dans l’argument.

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  2. Rien ne prouve que Dieu existe, mais rien ne prouve qu'il n'existe pas. Toutes les religions sont née du mysticisme, tous les grands mystiques de tous pays disent à peu près la même chose, donc si un Dieu existe, il est le même pour tout le monde, ce sont les hommes qui en voulant promouvoir chacun leurs dieux qui amènent la misère de ce monde. Aujourd'hui c'est le Dieu "Argent" qui à la palme d'or auprès de l'humanité car qui dit "argent" dit "pouvoir" qui n'est donné qu'à une minorité dans ce bas monde. Pourquoi donc se réclamer de quelque tendance que ce soit?, Il faudrait peut être humain avant tout et être son propre maître. MO mène des combats qui ne riment à rien.

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