Les Chapardeurs sont des créatures parfaitement humaines, si l’on fait abstraction de leur taille réduite et du fait qu’ils n’ont pas, apparemment, développé d’économie ou même de société. Ils vivent en parasites dans les recoins des maisons des humains, volant des biscuits, du sucre et du savon et cueillant, pour le reste, de quoi se faire un peu de soupe ou de tisane. Cela ne les empêche pas d’être fort sympathiques, mais cela limite un peu la portée de la profession de foi à la Nicolas Hulot ("nous allons disparaître à cause de ce que vous, les humains, vous faîtes à la planète!") que l’héroïne, Arrietty, nous assène au bout d’une heure à l’occasion de la «minute Arthus Bertrand» du film.
A ceci près, Arrietty et les Chapardeurs est un film charmant qui, comme ses héros minuscules et frugaux, joue de la discrétion et de l’économie de moyens pour attirer et émouvoir. Ses quelques personnages s’agitent pendant deux ou trois jours dans un bout de jardin, au long d’une histoire au rythme mesuré qui laisse au spectateur le temps d’écouter la pluie tomber et de surveiller les coccinelles. Tout juste adolescents, Shô le garçon solitaire et Arrietty la Chapardeuse intrépide se rencontrent inopinément, parce qu’il est plus porté à l’observation que ses pareils et parce qu’elle est moins prudente qu’elle le devrait. Cette rencontre est un invisible bouleversement, pour Shô qui se découvre nanti d’une puissance qu’il n’aurait pas soupçonné et qui ne tient qu’à sa taille, et pour Arrietty qui, de façon plus tangible – mais si dérisoire – devra, puisqu'elle est découverte, quitter le jardin pour partir à l’aventure.
Ce chambardement minimal a, peut-être parce qu’il était à leur échelle, beaucoup touché mes enfants. Des bribes de dialogues, des gestes retenus, deux ou trois regards entre Shô et Arrietty auront suffi à leur faire éprouver, apparemment, quelque chose de l’ébranlement de l’adolescence. L’exaltation d’une période où tout semble possible, l’inquiétude de voir disparaître les parents omnipotents au profit d’êtres cruellement faillibles, la curiosité vertigineuse que l’on éprouve soudain à l’égard d’un autre irréductiblement différent : qu’ont-ils, au juste, perçu de tout cela, du haut de leur dizaine d’années d’existence (à eux deux) ? C’est toute la magie de ce film sans prétention que de leur avoir laissé deviner, au travers d’un monde apparemment à leur taille, le souffle d’un avenir qu’ils ne peuvent encore imaginer.
Arrietty et les Chapardeurs, Hiromasa Yonebayashi, 2010
jeudi 3 février 2011
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire