L’homme au singulier, c’est George, prof de fac britannique en Californie. George vit seul depuis la mort de Jim dans la maison qu’ils partageaient. Le récit lui emboîte le pas pendant vingt-quatre heures d’une journée presque ordinaire : George se lève, George se regarde dans la glace, George envisage de se recoucher et de déprimer tranquille, George se rase, etc. Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit d’un projet narratif un peu aride, heureusement assaisonné d’un certain humour, notamment à travers les décalages entre le George social – qui conduit sa voiture, harangue ses élèves, dîne avec une vieille copine, le tout par la seule force de l’habitude – et le George intérieur, qui laisse l’autre se débrouiller en pilotage automatique et qui soliloque pendant ce temps pour le seul bénéfice du lecteur.
Ce livre est semble-t-il celui dont Christopher Isherwood lui-même faisait le plus de cas; il a inspiré un film et a suscité des flopées de commentaires enthousiastes. Pour ma part, j’ai dû passer à côté de quelque chose ; malgré la surprise finale, qui m’est apparu comme une pirouette pas très inspirée, je n’ai pas très bien vu où l’auteur voulait en venir, au total. (C’est d’ailleurs l’objectif, j’imagine, puisqu’il peint une journée qui ne va nulle part). La solitude de George, qui est le véritable sujet du livre, n’est pas si pathétique que cela car elle a quelque chose de très banal et presque d’universel : point n’est besoin d’être homosexuel et britannique pour se sentir largement déconnecté de sa propre vie sociale.
Bref, de mon point de vue, on peut très bien lire ce roman, d’autant qu’il ne fait que cent quatre-vingt-dix malheureuses pages - ce qui a toujours le don de m’énerver: je déteste ces livres d’où l’on est sorti avant d’avoir eu le temps d’y entrer. On peut aussi s’en passer, et lire autre chose.
Un homme au singulier, Christopher Isherwood, 1964
Traduction Léo Dilé
mardi 31 août 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Merci d'avoir facilité les commentaires. Malheureusement je n'ai pas beaucoup de temps pour en profiter en ce moment. J'admire votre éclectisme, chère Abige Muscas et votre courage pour lire un Khadra ou assister au Ruban Blanc, tellement excessif dans ses parti-pris qu'il est impossible d'y croire. C'est de la ré-écriture de l'histoire; le nazisme est survenu, donc il fallait que des gens fussent monstrueux avant. Eh bien non, je n'y crois pas un seul instant; le luthérianisme était certainement aussi rigoureux dans les pays scandinaves, il n'a pas donné le nazisme, au contraire pourrait-on presque dire puisque ces société ont été très vite permissives sur le plan des moeurs. Le voyage en Suède était l'étape quasi obligatoire de l'initiation sexuelle des jeunes français dans les années soixantes...Il eut été beaucoup plus difficile de s'éclater en Italie ou en Espagne, pays latins, catholiques et a priori "moins coincés". Les oeuvres à thèse se plantent toujours. C'est toujours plus compliqué. Elles servent généralement à régler des comptes personnels. Ce monsieur a probablement été traumatisé par une expérience personnelle avec la religion de ses pères, comme Onfray.
RépondreSupprimerJe reviens sur Hemingway; je n'ai jamais lu ses grands romans; il me reste un souvenir ennuyé du Vieil homme et la Mer. Mais ces petits récits d'une dizaine de pages que l'on peut à peine qualifier de nouvelles sont vraiment de "petits chefs d'oeuvre", comme on dit (en général, ça tue l'envie de les lire, tant pis!). Le dernier parle visiblement de lui et de son père; c'est très beau.
A bientôt; parlez-nous vite du dernier Houellebecq!
Stanford
ah, mais je ne suis pas d'accord! le film de Haneke n'est pas une oeuvre à thèse, à mon sens. C'est une oeuvre tout court, dans laquelle il y a certainement quelque chose de personnel (comment en serait-il autrement?); ce n'est pas une explication, mais une représentation.
RépondreSupprimerQuant à dire que le puritanisme a engendré le nazisme, d'abord personne ne le dit, justement (que, conjugué aux échecs et aux difficultés traversées par les Allemands, il ait favorisé un climat violent et belliciste, ça me paraît en revanche assez probable), et ensuite le fait que le nazisme soit, contrairement au puritanisme, un phénomène allemand n'est pas un contre-argument valide (le puritanisme engendre une souffrance, dirais-je: après, la réaction peut se canaliser ou se diluer de toutes sortes de façons).
Houellebecq, hum... je le déteste, mais je lis tous ses livres. Je ne saurais tarder à en dire un mot!
Ah: "je le déteste mais je lis tous ses livres"! Cela me fait penser à "Va, je ne te hais point!"...Je viens d'assister en différé sur l'internet au premier numéro de Semaine Critique, la nouvelle émission de FOG sur la 2. Evidemment, ils en ont parlé, comment faire autrement? Elisabeth Lévy a bien résumé le cas MH: le romancier de la fin du monde, ou de notre monde, ou de l'homme, peu importe, je me comprends, comme dirait ma concierge si j'en avais une...Et surtout le seul écrivain vivant digne de ce nom. Vous me demanderez, ainsi qu'à EL, "vous les avez tous lus?" Non évidemment, mais c'est un fait que c'est le seul, avec pour moi Patrick Modiano, qui "donne envie", dans une vie ou lire un livre est un exploit arraché à un loisir toujours trop court. C'est pour ça que je lis plutôt ceux du passé, en me disant que la sélection opérée par le temps va peut-être m'éviter de le perdre, mon temps.
RépondreSupprimerIl y avait aussi Papi d'Ormesson, toujours aussi adorable et intelligent, moins cabotin que parfois. Il paraît que son dernier opus vaut vraiment la peine.
Bien noté votre désaccord sur Le Ruban Blanc. Ne l'ayant pas vu, il y toutes les chances que j'ai tord, mais j'ai beaucoup lu ailleurs que chez vous cette interprétation simpliste qui me contrarie passablement (le puritanisme luthérien préparant, voire conduisant au, nazisme).