Chanson sans paroles est une histoire de femmes : Liz, mère au foyer insipide, Sarabeth, sa meilleure amie, célibataire hantée par le suicide de sa mère, Lauren, la fille adolescente et mal dans sa peau de Liz. Quand Lauren tente de se suicider, Sarabeth est incapable de renverser le sens habituel de sa relation avec Liz, sa mère de substitution, pour lui apporter à son tour un réconfort : la dépression de Lauren et la brouille de Liz et de Sarabeth font tout l’argument du roman.
Comme l’héroïne couturière d’Un amour de jeunesse, premier roman d’Ann Packer, les trois femmes sont dotées de petits talents créatifs et traduisent leurs difficultés et leurs angoisses dans des activités vaguement artistiques : Sarabeth confectionne des abat-jour, Lauren dessine, et Liz s’acharne sur un monstrueux banc de sa conception, écossais bleu et jaune avec un semis de fleurettes (je n’invente rien). Je n’arrive pas à comprendre s’il y a dans l’insignifiance consternante de ces passe-temps une subtile tentative de second degré. En tous cas, il s’agit là du seul décalage qu’Ann Packer permet à ses personnages ; la confection d’abat-jour constitue toute la dimension spirituelle du roman dans lequel personne ne manifeste sous aucune autre forme d’aspiration à la beauté, d’interrogation sur le sens de l’existence, de préoccupation philosophique ou simplement d’ambition. Tout est considéré comme donné, rien ne provoque l’interrogation ou le doute, en dehors du minuscule cercle relationnel dans lequel les personnages tournent comme des hamsters, passant de ce que leur mère a fait d’elles à ce qu’elles font de leur fille, sans oublier de se demander qui d’autre joue pour elle un rôle de mère ou de fille. Même quand Sarabeth se passionne pour Anna Karénine, c’est qu’elle y voit un éclairage apporté au suicide de sa mère !
Je les hais solidement, ces femmes qui errent dans leur labyrinthe freudien tout en éminçant une poire dans une coupe de mûres pour le petit-déjeuner, et je n’ai aucune sympathie pour Ann Packer non plus. Une femme qui semble admettre que le salut offert par les poires émincées est trompeur mais qui nous offre des abat-jour en guise de refuge ne mérite pas qu’on la lise.
Chanson sans paroles, Ann Packer, 2007
Traduction Michèle Hechter
dimanche 5 septembre 2010
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire