lundi 17 janvier 2011

Lennon

Je sais que ce n’est pas le sujet, mais je n’aime pas les livres qui tentent, en triplant la taille des caractères, de faire oublier qu’ils sont trop courts. J’avais donc un a priori défavorable sur ce Lennon psychanalytique, et je tourne la dernière page un peu agacée de sa facilité. Suis-je à ce point mauvais coucheur ? Tout n’est pourtant pas à jeter dans ce livre, à commencer par l’idée de faire parler Lennon lui-même, qui s’épanche auprès d’un psy invisible sur son enfance pourrie, sur ses amitiés brisées, trahies, rafistolées – Stuart Sutcliffe, Brian Epstein, Paul McCartney bien sûr – sur sa paternité ratée… Gibier de divan, Lennon l’était sans doute, dès lors qu’il ne chantait plus : situer ces entretiens fictifs dans les cinq dernières années de sa vie n’est donc pas absurde, à première vue. Adroitement écrit, avec des tournures qui évoquent en effet un Lennon traduit en français, le livre de David Foenkinos dresse le portrait d’un homme fragile dont la créativité trouve ses racines et sa contrepartie dans une immaturité destructrice.

Ce qui m’agace là-dedans ne peut sans doute pas être retenu contre l’auteur : je trouve pour tout dire le projet un peu vain. Il s’agit en fait de redire avec les mots de Lennon ce qu’on connaît déjà de sa vie. Mais je ne peux me défendre de l’impression que ce que Lennon avait à dire, il l’a dit, et de fort belle manière. Que gagne-t-on à voir expliquer par un simili-Lennon le lien entre la vie de Lennon et l’œuvre de Lennon ? On imagine que la matière brute de cette vie a cuit dans Lennon comme dans un chaudron pour donner une musique nouvelle et profondément personnelle : que découvre-t-on de plus lorsque sur cette métamorphose enchantée le chaudron lui-même fournit son point de vue ? A mon sens, rien d’inoubliable.

J’aime autant voir Lennon par les yeux d’un autre, avec les mots d’un autre : il me semble que lui-même ne peut pas s’ajouter grand’chose. Lennon-Foenkinos ne peut pas, par exemple, ou en tous cas ne tente pas d’approfondir les complexités des relations amicales de John : pudeur ou incapacité bien vraisemblables, mais pas moins frustrantes pour autant. Et quand il parle de sa mère, ou de Yoko, ses mots sont bien plats par rapport aux chansons, ou même par rapport aux photos dans lesquelles, allez savoir pourquoi, on croit tant voir du « vrai » Lennon.

Lennon, David Foenkinos, 2010

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