Père et Fils se déroule dans le Sud des Etats-Unis, pendant un été du milieu des années 60. Les voitures n’ont pas la clim, les hommes trimballent partout leur glacière pleine de bière et travaillent à l’usine locale de machines à laver ou au garage du patelin, il y a sur la place un distributeur d’eau pour les Blancs et un autre pour les gens de couleur, il traîne des fusils chargés dans toutes les maisons. Glen sort de prison où il a passé trois ans pour avoir écrasé, un jour de cuite, un gamin sur une route. Au long de ces quelques jours où Glen retrouve son père, la femme dont il a eu un fils, et le shérif qui l’a envoyé en prison, le roman dévoile un nœud de relations douloureuses et d’histoires inabouties et entremêlées. Parallèlement se dessine au fil des pages la personnalité tordue de Glen, apparemment incapable d’empathie (à l’égard d’êtres humains tout au moins) et celle de Virgil, son père.
L’adresse de ce livre est d’adopter, au moment d’entrer dans l’histoire, un point de vue indéterminé sur les personnages. Virgil par exemple, le père de Glen, dont on découvrira peu à peu le caractère apaisé et ouvert et la capacité à accepter ses erreurs passées et à vivre avec, apparaît initialement comme un quasi-vieillard crasseux et aigri. Bobby, le shérif, est d’abord présenté comme un homme laconique que l’on soupçonne de s’emmurer dans sa bonne conscience et son uniforme et de fuir les relations avec ses semblables au point de vivre encore chez sa mère. L’intrigue fera peu à peu apparaître l’un et l’autre sous un jour différent. Elle promènera ce faisant le lecteur parmi les « petits Blancs » de ce trou perdu avec une tranquille lenteur qui rappelle Steinbeck : les dialogues sont brefs et les phrases s’attardent sur les sensations et les objets – un grillage anti-moustiques arraché, un commutateur de pompe bon à changer, quelques billets dans une vieille théière, une odeur de viande hachée.
Quant à l’intrigue de Père et Fils, elle tient la route, bien que le suspens final soit en réalité moins stimulant que les interrogations du début du livre sur les rapports entre les protagonistes, et que la dernière page soit cruellement hollywoodienne. On pardonnera cependant beaucoup à Larry Brown pour sa totale absence de prétention : il n’y a pas de morale dans Père et Fils, mais des personnages qui semblent tirés par les évènements du bon ou du mauvais côté d’eux-mêmes.
Père et fils, Larry Brown, 1996
Trad. Pierre Furlan
vendredi 21 janvier 2011
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