vendredi 8 octobre 2010

L'Hypnotiseur

Il y a deux enquêteurs dans l’Hypnotiseur: le policier, Joona Linna, et le psy, Erik Maria Bark. Une fois n’est pas coutume, le plus cinglé des deux n’est pas le policier, qui semble raisonnablement équilibré. Le psy, en revanche, imbibé de somnifères et d’anxiolytiques, navigue dans un brouillard chimique depuis qu’à la suite d’accusations portées par une patiente il a abandonné de prometteuses recherches sur la thérapie des traumatismes par l’hypnose collective.

Il y a deux meurtriers dans l’Hypnotiseur: deux déséquilibrés apparemment vulnérables, en réalité sadiques et manipulateurs, et qui ont pour point commun leur féroce rancune contre le psychiatre qui a mis au jour ce qu’ils voulaient cacher. Grâce à ce dédoublement des coupables et à la position originale d’Erik, maître de l’hypnose à demi détruit par les incertitudes de cette technique ambivalente – thérapie ? enquête ? – Lars Kepler redonne des couleurs au schéma traditionnel de l’enquêteur pris pour cible par sa proie. Une construction assez soignée, reposant sur deux récits emboîtés, donne par ailleurs beaucoup d’épaisseur à l’histoire qui traite à la fois de la double enquête du présent et de la quête avortée d’Erik dans le passé.

Il y a deux auteurs de l’Hypnotiseur. C’est peut-être à cela que l’on doit une narration pas très rigoureuse qui a tendance à glisser de façon un peu agaçante d’un point de vue à un autre. Cela reste cependant une gêne mineure qui ne gâche pas l’atmosphère très prenante du livre. Plusieurs scènes en particulier, vues par des yeux embués et un cerveau embrumé par l’abus de médicaments ou par les restes d’une transe hypnotique, contribuent à créer un climat de cauchemar diffus, dans lequel les personnages – et le lecteur avec eux – sont conscients d’assister à des scènes inquiétantes, sans toutefois parvenir à en déchiffrer le sens ou à y réagir.

Avec tout cela, l’Hypnotiseur est un cas malheureusement rare de roman qui parvient, pendant un moment, à faire réellement douter le lecteur, c’est-à-dire à l’intéresser à ce doute au lieu de le traîner, passif, jusqu’au dénouement. Que ce doute porte davantage sur la personnalité d’Erik que sur l’identité des meurtriers n’enlève rien à la qualité de roman, certainement un des meilleurs policiers que j’ai lu depuis longtemps.

L’Hypnotiseur, Lars Kepler, 2009 – traduction Hege Roel-Rousson et Pascale Rosier

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire