mercredi 30 décembre 2009

L'insoutenable légèreté de l'être

Qu'est-ce qui ne va pas chez Kundera pour que le seul personnage crédible de ce livre soit un chien transsexuel?

La construction est pourtant soignée: l'histoire de Tomas et Tereza est racontée en sept parties qui se répondent et s'articulent autour de la rupture que constitue l'invasion russe - Tomas avant, Tereza avant, interlude Franz et Sabina, Tereza après, Tomas après, interlude Franz et Sabina, fin. Cette construction contient d'autres alternances qui enrichissent le propos; Franz et Sabina, qui n'ont aucun intérêt pour l'intrique à proprement parler, pour autant que l'on suppose que le cas de Tomas et Tereza est vraiment le coeur du propos, illustrent en revanche le thème du kitsch de façon à charger de sens la dernière partie, qui célèbre le temps circulaire comme celui du bonheur.

La phrase ci-dessus demande, j'en suis consciente, quelques explications, mais le propos n'est pas facile à résumer. Kundera s'attaque au kitsch, réduction de la complexité des idées à des métaphores simplificatrices et uniformisantes. Toute la gauche politique est pour lui fédérée par le kitsch de la "Grande Marche": l'idée de la progression d'une foule fraternelle vers des lendemains qui chantent. Franz barbote dans le kitsch jusqu'à sa mort elle-même, ornée d'un sens qui lui est totalement étranger, tandis que Sabina fuit sans espoir le kitsch communiste, puis celui du rebelle échappé d'un pays sous le joug communiste. A l'opposé, la fin de l'histoire de Tomas et Tereza est une libération: lourde d'expérience, à travers la mort du chien et l'aboutissement de leur vie qui se finira bien à deux, elle est vide de symboles. Il n'y a plus personne pour regarder Tomas et Tereza dans la campagne dépeuplée où ils se réfugient. Plus rien n'est symbole, tout est expérience et donc profondément incommunicable, alors que où le symbole est partage et encourage une sorte de fusion mentale des êtres en une communauté béate et vide. C'est la répétition qui donne son sens à cette expérience, qui lui confère de l'épaisseur et de la réalité, à l'opposé d'un temps linéaire dans lequel tout est toujours nouveau et donc sans mesure.

De fait, cette thèse est portée très efficacement par le livre qui promène son lecteur dans une sorte de vacuité par moments bouffonne, avant de l'immerger puissamment et subitement dans le monde statique où ont abouti Tomas et Tereza. Malgré cela, L'insoutenable légèreté de l'être a vieilli: peut-être est-ce parce que le récit s'inscrit dans une période si médiocrement dramatique, par rapport à celle de la seconde guerre mondiale qui l'a engendrée, et en même temps si traumatisée par le souvenir du conflit, que l'on arrive pas à se projeter dans sa trame comme on s'immerge dans la terreur et la haine toujours actuelles des années 40. On se sent étranger à ces personnages qui promènent leurs cauchemars d'holocauste à travers un totalitarisme joué en mineur. C'est sans doute un peu injuste, d'ailleurs, de faire grief à l'auteur de ce décalage, tant cette situation où le passé déniait son sens à l'expérience immédiate devait être étrange et marquée d'irréalité.

Le chien transsexuel sauve finalement du vide l'insoutenable légèreté de l'être: mais c'est, plutôt que la preuve de la maladresse du livre, le résumé de son message. Il n'empêche, je ne le relirai pas de sitôt.

L'insoutenable légèreté de l'être, Milan Kundera, 1984
Trad. François Kérel

mardi 29 décembre 2009

Heureusement qu'on a les Nazis

Le 22 décembre dernier est parue sur lemonde.fr une tribune de Jean-François Bouthors intitulée « Après l’étoile jaune, faudra-t-il porter l’étoile verte ? ». Voilà un exemple type de l’utilisation ordinaire qui est faite aujourd’hui de notre pire souvenir historique.

La pertinence de la comparaison (entre le « débat sur l’identité nationale » et l’Holocauste, rien de moins) est pour le moins fragile. Dans un cas, un régime méprisant la démocratie s’est approprié une théorie historico-scientifique du rôle des Juifs et l’a fait avaler par un endoctrinement énergique à un peuple gravement perturbé par vingt années de tribulations ; cette démarche s’est accompagnée d’une privation de droits progressive englobant finalement jusqu’au droit de survivre. Dans l’autre cas, une démocratie laïque ronronnante constate avec inquiétude la présence en son sein de quelques fondamentalistes religieux, peu nombreux certes, mais vigoureusement prosélytes et parfaitement intolérants. La République ne dispose d’aucun outil idéologique ou juridique pour répondre à ces positions qui la contredisent : la liberté d’opinion et d’expression lui est consubstantielle, les théories historico-génétiques du racisme sont depuis longtemps discréditées, la laïcité souffre d’une définition à géométrie variable. Comment passe-t-on d’une situation à l’autre, et qu’est ce qui encourage les contempteurs de l’initiative au demeurant maladroite de Besson à crier au génocide programmé ?

Soit la raison l’impose, en raison de similitudes profondes entre les deux moments de l’histoire : un examen honnête de la question me paraît devoir tendre à la conclusion inverse. L’articulation entre les deux termes de comparaison est le racisme : avéré chez les Nazis, supposé chez le Français moyen, couramment soupçonné de « bas instincts » et de penchants « nauséabonds ». Or il serait honnête de reconnaître enfin que le racisme, en France, n’existe pratiquement pas. Encore faut-il utiliser le mot dans son sens véritable : le racisme, comme conviction que son héritage génétique rend une population inférieure, voire nuisible à une autre, n’existe pas. La culture génétique du vulgum étant aujourd’hui ce qu’elle est, grâces en soient rendues au Téléthon, les théories à la Gobineau n’ont ni ancrage dans la population, ni chance d’en retrouver un. De surcroît, l’échelle de valeurs pour caractériser le supérieur et l’inférieur fait aujourd’hui défaut - l’universalisme occidental a beaucoup fait pour. La xénophobie, la méfiance vis-à-vis de l’Islam existent et sont fondées sur des appréhensions beaucoup moins irrationnelles qu’on ne le dit. Mais les « bruits et odeurs » tant reprochés à Chirac n’indisposent que les odorats qui n’y sont pas habitués, sans que nul ne conclue à l’infériorité intrinsèque de qui les produit. Déménager pour ne pas habiter à côté, ce n’est pas du racisme, mais de la xénophobie ordinaire ; ce n’est pas nauséabond, c’est un peu de paresse, un peu de fatigue, de la part de gens qui ont bien d’autres ennuis quotidiens. De même, si la notion de fatwa indispose le citoyen moyen, c’est au pire par une « islamophobie » guère différente de l’anti-cléricalisme féroce d’un Clemenceau, et tout aussi saine : cela n’implique aucune forme de racisme. Le racisme militant, condition nécessaire à la décision d’extermination d’un peuple, est en France l’affaire d’une poignée de cinglés complètement en marge de la vie publique : je mets le lecteur au défi de citer une publication de quelque envergure défendant ce type de théories.

Si le rapprochement n’est pas rationnel, c’est qu’il est purement émotionnel. Un Français normalement constitué, choqué par n’importe quel discours qui lui apparaît contraire aux valeurs républicaines, est automatiquement ramené au référent du mal absolu que constitue le nazisme. La réaction des communistes, descendants intellectuels du plus grand buveur de sang européen du XXème siècle, quand on les compare aux Nazis montre quel rôle de zéro absolu sur l’échelle morale joue le régime hitlérien : ce sont des cris de pucelle effarouchée, que tout le monde écoute d’un air benoît. Pourquoi ce succès des nazis comme affreux universels ? Sur quelle spécificité la résolution d’avril 2009 du Parlement européen (qui devait initialement condamner les crimes communistes) se fonde-t-elle pour affirmer finalement la « nature particulière » de l’Holocauste, alors que l’herbe pousse en silence sur les tombes des victimes de la famine organisée en Ukraine ou des déportations de populations entières considérées, femmes, enfants et vieillards compris, comme « ennemis objectifs » de la Patrie des Travailleurs ? Plusieurs facteurs concourent à faire de l’analogie avec le nazisme un puissant levier émotionnel et, par là même, un cache-misère intellectuel. D’abord, outre que les attributs classiques du nazi archétypal, le SS, le rendent excessivement cinégénique, l’existence d’images des camps de concentration et d’extermination nazis a probablement joué un rôle prééminent dans l’ancrage du nazisme comme mal absolu. Le « choc des photos », par son impact immédiat et viscéral, a surclassé le poids des mots - et des chiffres. Ensuite, historiquement, les réflexes acquis pendant la seconde guerre mondiale se sont conjugués avec les effets de la propagande soviétique érigeant le fascisme, tout au long du XXème siècle, en ennemi protéiforme toujours prêt à resurgir. S’ajoute à ces circonstances une raison plus spécifiquement française : comme Français, nous avons eu une part de choix dont nous n’avons jamais expié l’amertume. Ni les Allemands, ni les Britanniques, ni les Italiens n’ont réellement eu ce choix ; il n’a pas marqué de son empreinte leur société d’après-guerre. Si de Gaulle a assuré à la France un strapontin dans le club des vainqueurs, il a également contribué à entériner une division très profonde de la nation. Collectivement vaincus et humiliés, aurions-nous mis tant de chaleur à nous accuser les uns les autres d’entretenir la tradition de la collaboration ? Enfin, le nazisme, c’est entendu, est notre horreur à nous Occidentaux, l’horreur européenne, technophile et scientifique, l’horreur bureaucratique et taylorisée, l’horreur perpétrée par des docteurs en droit ou en philosophie. Le nazisme est en cela le rêve du relativiste. Pour celui qui critique en l’Occident la prétention universaliste et qui voit dans la Charia un système de droit de même valeur que les nôtres, à considérer dans le cadre culturel qui est le sien, le nazisme est le parfait terme de comparaison. Le relativisme poussé à son terme interdit en effet de se comparer avec un autre que soi-même : heureusement, nous avons les nazis ! ils sont nous-mêmes, et ils sont mauvais. Est-ce commode !

On comprend, à lire le texte de M.Bouthors, ce qui motive l’émotion autour du débat sur l’identité nationale. Au départ, la question est mal posée, puisqu’on s’interroge sur le fond avant de définir les termes – qu’est-ce qu’une identité nationale, n’importe laquelle ? qu’est-ce, par exemple, que l’identité nationale belge ? Mais surtout, la bien-pensance nationale s’effraie d’une atteinte au dogme relativiste. Il ne vient sans doute pas à l’idée de ses tribuns que c’est à force de relativisme, à force de repentance tous azimuts, à force de désir de préserver l’héritage culturel de chaque enfant d’immigré au risque de l’y enfermer, que l’on finit par poser la question de cette mystérieuse identité nationale. Une nation connaissant son histoire sans en être enivrée, une nation assumant sa vision de l’homme et de la politique à la face du monde et sachant la proposer à ses nouveaux enfants, sans arrogance mais avec conviction, se poserait peut-être avec moins d’angoisse la question de son identité. Une telle nation oserait voir dans l’Europe ce que les Etats-Unis, du fait de leur situation géographique et de l’accident historique qui en a fait une super-nation, ne peuvent être aujourd’hui : le cheval de Troie du libéralisme politique dans la Méditerranée. Une telle nation dirait oui à la Turquie et cesserait de financer les cultes – tous les cultes – et de réserver des horaires aux femmes dans les piscines.

samedi 26 décembre 2009

Le ravissement de Lol V.Stein

Mais quelle mouche m'a piquée pour que j'aille chercher, de Marguerite Duras qui m'inspirait déjà un appétit modéré, l'un des textes les plus "nouveau roman"? Le ravissement de Lol V.Stein malmène l'idée d'intrigue et la notion de personnage au profit de "l'immersion dans les flux de conscience" et d'une "succession cathartique de répétitions d'un traumatisme primaire transposant dans le roman la démarche de cure psychanalytique". (Je cite ici les commentaires d'autres lecteurs, plus compétents que moi). C'est tout ce que j'en dirai ici, car je me suis déjà assez ennuyée à le lire sans, en plus, perdre mon temps à en parler.

Ce qui m'a davantage intéressée, c'est de lire à ce sujet un extrait des considérations d'Alain Robbe-Grillet dans Pour un nouveau roman. A l'époque figure de proue des éditions de Minuit, qui se sont décidément compromises dans tous les cul-de-sac possibles, Alain Robbe-Grillet fustige la conception du roman comme texte mettant en scène des personnages dans le cadre d'une intrigue. Il étaie son point de vue en soulignant qu'aucune des grandes oeuvres contemporaines ne répond à cette définition, citant La Nausée, L'Etranger ou Le Procès dont les personnages principaux sont pratiquement absents, traversés simplement par un flux de perceptions minutieusement restituées au lecteur. De fait, s'il s'agit là de son argument principal en faveur d'un "nouveau roman", il ne paraît pas très concluant, tous ces textes majeurs étant plus ennuyeux et plus secs les uns que les autres. La tentative de mise en chair d'une abstraction métaphysique ou psychologique est infructueuse dans ces romans parce qu'elle y est trop délibérée.

Pour comique que puisse apparaître la suffisance de Robbe-Grillet, il me paraît cependant partir d'un constat juste: "Le roman de personnages [...] caractérise une époque : celle qui marqua l'apogée de l'individu." Je suis bien convaincue que le roman de personnages a encore de beaux jours devant lui, mais il me semble qu'on a effectivement traversé au XXème siècle une sorte de vertige de l'idée d'individu, ou plutôt plusieurs expériences frappantes de la compression et de la réduction de l'individu: plusieurs romans qui sont, eux, parfaitement lisibles à mon goût en témoignent - Une journée d'Ivan Denissovitch ou 1984 par exemple. L'individu y est réduit à son support minimal, un nom, un corps, quelques souvenirs: ces deux romans décrivent le combat des volontés qui s'acharnent, au fond de ces individus niés, à maintenir leur cohérence. Hélas! ce sont des "romans de personnages"...

"Notre monde, aujourd'hui, est moins sûr de lui-même, plus modeste peut-être puisqu'il a renoncé à la toute-puissance de la personne, mais plus ambitieux aussi puisqu'il regarde au-delà. Le culte exclusif de « l'humain » a fait place à une prise de conscience plus vaste, moins anthropocentriste." Voilà ce qu'affirme Robbe-Grillet, et voilà sûrement pourquoi je n'aime pas le nouveau roman: je suis une adepte du culte exclusif de l'humain.

Le ravissement de Lol V.Stein, Marguerite Duras, 1964

jeudi 24 décembre 2009

The Caine Mutiny

The Caine Mutiny est un vrai roman, comme on n'en fait plus, qui raconte les aventures d'un jeune enseigne de la Marine américaine pendant la seconde guerre mondiale. Willie Keith est, au début du livre, un gentil gosse de riches irresponsable que sa maman planque dans la Navy pour lui éviter pire. Au bout de six cent pages de jargon nautique, il rentre au pays commandant de son dragueur de mines, décoré comme un sapin de Noël et décidé à épouser la fille que ses préjugés de classe lui avaient auparavant fait larguer (oui, larguer: c'est du vocabulaire nautique, après tout). C'est tout à fait Capitaines courageux, avec moins de poisson. C'est aussi très bien écrit, assez drôle et réellement prenant.

A la réflexion, il y a quelques éléments supplémentaires là-dedans, et notamment la mutinerie qui donne son titre au roman. En un mot comme en cent, le commandant du Caine, un horrible vieux rafiot qui draguera sept mines dans toute la guerre, est jugé incompétent par ses officiers. Alors qu'il panique au milieu d'un typhon, pendant que Willie est de quart, il est relevé d'autorité par Steve Maryk, son second. Le procès en cour martiale qui s'ensuit tourne autour de deux questions: le commandant était-il ou non apte à commander, et le second était-il ou non apte à en juger?

Le débat se noue explicitement autour du caractère plus ou moins paranoïde du commandant; implicitement, il s'agit en fait de l'affrontement de deux conceptions de l'autorité. Pour la Marine régulière, l'autorité est issue de l'institution et seule l'institution peut la transférer ou la dénier. Toute remise en cause de l'autorité est un danger majeur pour la Navy, au point que la dépression de quelques marins ou officiers subalternes soumis à des vexations quotidiennes, ou même le naufrage d'un navire, apparaissent moins graves qu'un acte d'insubordination et certainement pas de nature à justifier une mutinerie. Pour les officiers de réserve qui affluent sur les navires durant la guerre, cette conception est choquante. Pour le lecteur aussi, qui voit avec enthousiasme Willie Keith et Steve Maryk défendre devant la cour martiale le droit à une appréciation personnelle. On leur fait observer qu'ils ne sont pas des marins de métier, ni des psychiatres professionnels, et pas davantage des juristes; ils affirment qu'ils sont des êtres humains et que leurs actions doivent être conformes à leur jugement.

Ce débat fait de The Caine Mutiny une parfaite illustration de Obedience to Authority (dont les membres les moins assidus de mon public trouveront le commentaire juste en dessous). La démonstration est d'autant plus percutante que Herman Wouk, au bout du compte, fait exprimer par ses personnages une morale à cette histoire, et que ce n'est pas celle que nous aurions choisie. Tant Barney Greenwald, l'avocat de Maryk, que Willie Keith, qui deviendra par la suite, sans perdre son âme, le second idéal d'un commandant irascible et poltron, regrettent d'avoir mis en cause l'autorité de la Navy, tout comme la minorité des cobayes de Milgram qui ont défié l'autorité de l'expérimentateur. Ce qui apparaît tout à fait clair au spectateur des expériences de Milgram, à savoir où est le bien et où est le mal, ne l'est pas, la dernière page tournée, pour le lecteur de The Caine Mutiny. L'autorité est le principe vital de toute organisation. Que pèse la conscience face à cela?

En nous rendant suspect, quoique sympathique, celui qui choisit la conscience, Herman Wouk renvoie implicitement la question de l'autorité à un niveau politique. Pour lui, celui qui obéit à une autorité institutionnelle ne devrait jamais avoir à interroger sa conscience: de quels mécanismes dispose-t-on pour s'en assurer?

The Caine Mutiny, Herman Wouk, 1951

lundi 21 décembre 2009

Obedience to Authority

Obedience to Authority relate les expériences conçues et conduites par une équipe de Yale pour explorer les mécanismes de l'obéissance. En résumé, l'expérience consistait à créer un conflit entre les valeurs d'un sujet et les exigences d'une autorité: en l'occurrence, une personne volontaire pour participer à une expérience scientifique se voyait demander par le personnel du laboratoire d'administrer une série de chocs électriques à une autre personne, malgré les cris et les protestations que ce traitement provoquait. Le résultat de l'expérience fut si choquant que Stanley Milgram doit consacrer à la description des procédures et des réactions des sujets une grande partie du livre: la première réaction est en effet de croire à une erreur d'interprétation et à une expérience mal conçue.

Cette partie descriptive est d'ailleurs étonnamment intéressante, d'une part parce qu'elle montre comment se construisent les expériences qui permettent de reproduire les traits fondamentaux de situations réelles, de les doser et d'en faire varier l'influence, d'autre part parce qu'en témoignant des réactions des sujets elle amène petit à petit le lecteur à s'interroger sur son propre comportement. En effet, l'équipe de Stanley Milgram a constaté que seule une minorité (de 15 à 40% selon l'échantillon) finissait par désobéir à l'expérimentateur en chef, le reste de la population poussant consciencieusement le générateur jusqu'à 450 V (et jusqu'à la mort apparente du cobaye) malgré les signes évidents d'un pénible conflit intérieur.

En guise de discussion sur ces résultats, Stanley Milgram rappelle que l'autorité est le fondement de la société, et qu'il est normal et souhaitable de s'y conformer; celui qui le fait se sent lié par une forme de fidélité au détenteur de l'autorité, en même temps que non responsable de ses actes. Si ceux-ci ne sont pas conformes aux impératifs moraux, un inconfort viscéral l'en avertit, ce qui crée un conflit intérieur. L'auteur introduit l'idée d'un "état d'agent" qui serait celui d'une personne agissant pour le compte d'une autre et qui diffèrerait matériellement (par des concentrations d'hormones, des connexions neuronales, ou autre mécanisme inexploré) de l'état autonome. Il propose également une approche cybernétique de la question: étant donné une entité omnivore, de quelles régulations doit-elle être munie pour assurer sa survie et celle de son espèce? Ainsi, à partir du simple constat de la survie de l'espèce humaine jusqu'à ce jour, déduit-il l'existence de quelques régulations psychologiques fondamentales qui ne sont d'ailleurs pas sans rappeler les trois lois de la robotique dont Isaac Asimov a fait dans ses livres un usage aussi réjouissant qu'intelligent.

Que conclure de cette étude? Obedience to Authority met le lecteur en face d'une véritable interrogation sur lui-même. Plus largement, le livre, écrit en pleine guerre froide, exprime un certain pessimisme. L'évolution des technologies, la complexité croissante des organisations introduisent des écrans entre l'agent et les conséquences de ses actes. Dans ces conditions, le conflit entre autorité et conscience est nettement diminué, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer: pour l'opérateur d'un système de missiles nucléaires, prétend Milgram de façon imagée, déclencher l'enfer est l'équivalent technique mais aussi émotionnel de "appuyer sur un gros bouton". Sans aller si loin, le livre est en tous cas passionnant et réellement dérangeant. Comme les sujets de l'expérience, certains lecteurs en retireront sans doute une utile vigilance sur leurs propres réactions.

Obedience to Authority, Stanley Milgram, 1974

dimanche 20 décembre 2009

Mémoires d'Hadrien

Fascinante Yourcenar! Les trois cents pages de Mémoires d'Hadrien sont le fruit d'une interminable gestation de vingt-sept années: il n'y manque rien, et ce texte est aussi proche de la perfection qu'on peut le rêver. A le lire, on le croirait presque traduit du latin, avec ses phrases scandées, souvent rythmées par une césure, et ses mots régulièrement précédés d'une unique épithète.

Hadrien, empereur bâtisseur, y raconte à l'heure de son agonie sa jeunesse, son accession au pouvoir, ses efforts et ses succès, sa passion pour le jeune Antinoüs mort à vingt ans. Faisant preuve d'une attitude déférente et sans enthousiasme vis-à-vis des dieux - dont il fera partie, après tout - et d'une confiance prudente en l'homme en lequel il voit, sans en être spécialement ravi, l'étalon de toutes choses, il examine les questions de son temps, non sans faire à l'occasion un clin d'oeil au nôtre.

Il est surtout occupé du visage que présente sa vie: dans le premier chapitre, qui introduit le récit destiné à Marc-Aurèle, il s'exclame "quand je considère ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe". A quoi il répond lui-même, dans les dernières pages "je m'émerveille d'être à la longue devenu pour certains yeux ce que je souhaitais d'être, et que cette réussite soit faite de si peu de chose". A quel autre moment qu'à la mort peut-on répondre à la question "qui suis-je"? Mémoires d'Hadrien illustre cette réduction progressive du virtuel au profit du réel que constitue, pour chaque être, le passage du temps. Aux derniers mots écrits par l'Hadrien de Yourcenar, "tâchons d'entrer dans la mort les yeux ouverts..." le livre offre pour vis-à-vis l'épitaphe du Divin Hadrien Auguste: au dernier effort pour jouir du plus infime des possibles répond la pétrification éternelle.

Un Antinoüs un peu pâle illustre en mineur ce même thème de l'identité. La brièveté même de cette vie couronnée par le sacrifice ne suffit pas à lui donner cette course sagittale qu'Hadrien trouve aux vies des héros; l'immortalité multiforme qu'Antinoüs trouve dans le culte instauré par Hadrien témoigne de ce que le jeune homme, comme la passion qu'il a inspirée, n'était guère qu'une pâte encore informe. Antinoüs n'a pas eu, lui, le temps d'échanger mille possibles contre une seule vie irréfutable et détaillée; il a acheté au prix de sa propre identité l'éternelle perfection de la jeunesse.

Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar, 1951

mardi 15 décembre 2009

Révolte consommée, le mythe de la contre-culture

Révolte consommée s'attaque à l'idée de "contre-culture". Du mouvement hippie aux Vegans en passant par les punks et les Easy Riders, la contre-culture est un ensemble de manifestations sous-tendues par l'idée que la société est fondamentalement répressive et maintenue en place par un "système" tout-puissant, manipulant les individus par le biais de la culture. Le "système" cherche à garantir une massification de la société, c'est-à-dire une standardisation des aspirations et des comportements (de consommation, notamment). Dès lors, le rebelle contre-culturel s'emploie à réveiller ses congénères en prenant en défaut les manipulations culturelles. Cette opération de questionnement part d'un refus de la contrainte sociale; elle doit donc remettre la société en question bien plus fondamentalement, s'avérer bien plus subversive que toute réforme institutionnelle, qui postule par définition une certaine acceptation du cadre social. Le rebelle contre-culturel dépasse ainsi Marx sur sa gauche, s'assurant par là la conscience de sa supériorité et profitant par surcroît d'une vie joyeusement irresponsable. La théorie de la contre-culture permet en effet de confondre déviance et dissidence: si le dissident est celui qui, comme Gandhi, refuse d'appliquer certaines règles dans l'espoir d'en promouvoir de plus justes, tout en acceptant d'avance le châtiment que lui vaudra son acte, le déviant est celui qui rejette les règles parce qu'il n'a pas envie de les appliquer. Or voici que refuser de céder sa place à une vieille dame dans l'autobus prend un sens, devient subversif, donc, pratiquement, héroïque!

Toute la première moitié du livre est consacrée à démonter les fondements de cette idéologie contre-culturelle. Les auteurs proposent deux clés de compréhension principales: Hobbes et la théorie des jeux répondant à Freud, Jean-Baptiste Say et Thorstein Veblen contre Marx.

Freud contre Hobbes, ce sont deux idées de l'état de nature pré-social: pour Freud la civilisation est obtenue par une contrainte intériorisée des pulsions animales et, par là, induit la névrose et exclut le bonheur. Freud en déduit que la nature humaine est profondément violente. Hobbes, quant à lui, voit dans la violence des interactions pré-sociales un simple problème d'action collective, comme les a étudiés la théorie des jeux, et n'estime donc pas que cette violence soit particulière à la nature humaine. Tout le monde a intérêt à la paix, mais dans la mesure où celle-ci n'est pas garantie, il vaut mieux attaquer le premier, ce qui est le modèle classique de la course aux armements. Le contrat social est l'équivalent d'un traité de non-prolifération. Hobbes affirme par là le rôle positif de la contrainte sociale. Mais la contre-culture est irriguée par une lecture de Freud d'ailleurs excessive, puisque Freud n'a jamais incité à préférer l'état de nature à la civilisation. Cela s'exprime dans la prolifération de héros "transgressifs" qui, comme dans American Beauty, retrouvent l'accord avec leur vraie nature en séduisant les amies de leur fille et en versant de la bière sur leur canapé neuf. Naturellement, le problème de ce genre de transgression est que, pour être momentanément jouissive, elle n'est guère explicite sur le modèle "post-social" que la contre-culture appelle de ses voeux.

Rejetant la société comme forme d'organisation et donc la politique comme moyen d'action, la contre-culture ne va pas cependant jusqu'à prétendre éliminer la consommation comme moyen de subsistance. La consommation reste, de fait, le seul comportement qui puisse avoir un sens, conforter ou saper les règles. Elle constitue la seule relation accessible avec les méchants manipulateurs du "système" (les industriels, les capitalistes, les gens du marketing) et peut donc être inversée et utilisée pour déstabiliser le système. Les conceptions sous-jacentes sont inspirées de Marx: aux contradictions internes au capitalisme, les capitalistes répondent en stimulant la demande, pour des voitures de plus en plus grosses par exemple. Ils sont trahis, heureusement, par le phénomène de la demande de masse: n'y a-t-il pas en effet une coïncidence suspecte entre le fait que tout le monde achète la même chose et le fait que la production en série est la méthode capitaliste pour abaisser les coûts et augmenter le profit? à ce raisonnement, les auteurs de Révolte consommée opposent la bonne vieille loi des débouchés de Jean-Baptiste Say pour montrer qu'en y intégrant la monnaie comme une denrée, on se débarrasse des "contradictions internes au capitalisme" - et, du même coup, de l'idée paranoïaque d'un "système".

Par ailleurs, les auteurs pointent l'erreur qui consiste à assimiler société de masse et société de consommation. Si les consommateurs privilégient les produits de masse, c'est bêtement qu'ils sont moins chers; mais dès que l'on entre sur le marché des biens "positionnels", ceux qui ne valent que parce qu'ils ne sont pas en même temps consommés par d'autres (comme la vue depuis un appartement sans vis-à-vis), apparaît un hiatus majeur entre société de masse et société de consommation. Les consommateurs cherchent, dès qu'ils en ont les moyens, à se distinguer, à jouir de ces "biens positionnels": cette attitude apparaît dans le domaine culturel où ce qui est "in" est ce que peu de gens comprennent ou connaissent. Le standard est moche! pourquoi? simplement parce que la c'est la rareté qui rend beau, et pas le contraire. C'est le phénomène de consommation compétitive décrit par Thorstein Veblen. Et c'est aussi le sens du titre du livre: ce sont les gens qui refusent la consommation de masse qui stimulent en fait la consommation et l'innovation. Les rebelles sont "récupérés par le système", selon une formulation qui leur appartient.

La seconde partie du livre développe les traductions de l'idéologique contre-culturelle dans les comportements, en matière d'écologie, de médecine ou d'habitudes vestimentaires, en remettant régulièrement l'accent sur le péché capital de la contre-culture: elle disqualifie le réformisme qui s'appuie sur les institutions existantes (par exemple, l'instauration de marchés de droits à polluer, ou bien les discussions de l'OMC), sans rien proposer d'opérationnel en échange. En conclusion, les auteurs se défendent de toute attaque contre Nirvana ou contre les carottes biologiques: leur propos n'est pas culturel, il est politique. Ils entendent rappeler que la solution aux problèmes sociaux se trouve dans la régulation des interactions sociales (à travers le savoir-vivre, la fiscalité et l'encadrement des marchés, entre autres) et non dans une conscience élargie du monde et dans le rejet méthodique de toute règle. Et c'est une lecture qui me paraît parfaitement saine, comme toutes celles qui tendent à rappeler qu'il n'y a pas de souverain bien en dehors de l'homme social - pas de Dieu, pas de lendemains qui chantent, et pas de fraternité "au delà de la barrière des espèces" (sic) avec les myosotis, les baleines et les coccinelles. Prétendre le contraire constitue, de mon point de vue, une trahison du genre humain (et, de ce fait, un point de vue insoutenable par un être doué de raison, sauf s'il est Martien).

Révolte consommée, Joseph Heath et Andrew Potter, 2004
Trad. Michel Saint-Germain et Elise de Bellefeuille

samedi 12 décembre 2009

The American Civil War, a military history

The American Civil War est, après Battle Cry of Freedom de J.McPherson, ma seconde plongée dans la Guerre de Sécession (je ne compte pas les lectures d’Autant en emporte le vent). Pourquoi – et comment – écrire sur un sujet qui a déjà fait l’objet d’une somme telle que celle de McPherson ? c’est un problème qui doit, je suppose, se présenter fréquemment aux historiens, appelés généralement à creuser plusieurs fois le même sillon. Je leur saurais gré, à l’avenir, d’indiquer clairement dans leur introduction quels enrichissements, quel point de vue particulier et encore inexploré, quelle thèse nouvelle ils envisagent d’apporter au sujet traité. Sans avoir beaucoup de points de comparaison, je trouve en effet que c’est le principal reproche que l’on peut adresser à The American Civil War. Il faut se fier pour identifier le projet de l’auteur au sous-titre (« a military history », ce qui n’apporte pas grand-chose, une fois qu’on connaît Keegan) et à une introduction un peu fumeuse qui semble poser comme question essentielle celle de la longue capacité de résistance d’un Sud économiquement et démographiquement surclassé par son ennemi.


Heureusement, si les esprits chagrins (tels que le mien) sont légèrement indisposés par cette entrée en matière peu percutante, le livre prend rapidement son essor. Keegan tient sa promesse d’offrir une histoire essentiellement militaire de l’évènement, en tordant le cou en deux chapitres aux origines de la guerre. Quatre chapitres plongent ensuite dans le vif du sujet en décrivant les conditions qui prévalaient à l’organisation, au commandement et à la conception stratégique, et aux opérations elles-mêmes. De cette partie se dégagent déjà les points que Keegan éclairera particulièrement tout au long du livre : les problèmes de commandement et en particulier la personnalité des principaux généraux, la géographie de la guerre, et les conditions de vie du soldat.


Vient ensuite le morceau de bravoure obligé qui consiste à retracer les opérations militaires de façon à peu près chronologique. Ce récit est forcément un peu laborieux pour le lecteur, accroché à sa carte et voyant défiler les batailles toutes plus sanguinolentes les unes que les autres. Il y a celle où le plus grand nombre d’Américains est mort en un jour ; celle où le plus grand nombre de Nordistes est mort dans l’Ouest ; celle où le plus grand nombre de Sudistes est mort en une seule charge ; celle où le plus grand nombre, de quoi, déjà ? est mort en une semaine ; on se perd un peu dans tous ces records macabres. On doit savoir gré à Keegan de se dépêtrer de l’exercice en 330 pages, soit à peine plus de la moitié du livre. Je ne lui tiendrai pas rigueur de se répéter un peu par moments, car cela aide à se créer des repères dans une chronologie embrouillée par la multiplicité des théâtres d’opérations et par le nombre invraisemblable de batailles répertoriées.


Les derniers chapitres sont thématiques, donc beaucoup plus faciles à lire même s’ils donnent par moments l’impression d’être inexplicablement tortueux ou non concluants. Ainsi le chapitre sur les soldats noirs montre comment ces unités ont du faire leurs preuves avant d’être acceptées par leurs compagnons d’armes blancs… et conclut cependant que les soldats de couleur ont été intimidés, plus que déterminés, par la sauvagerie des Sudistes à leur endroit. On ne sait finalement plus très bien quoi penser de leur combativité. L’avant-dernier chapitre commence, lui, par une phrase de 118 mots, ce que j’ai trouvé un peu excessif, sans doute à cause de mon insuffisante maîtrise de la syntaxe anglaise.


Je suis peut-être un peu critique avec Keegan ; le fait est qu’avec tous ses défauts, mineurs à vrai dire, The American Civil War me paraît répondre à la problématique posée en introduction, en montrant notamment comment la géographie privait les belligérants de tout objectif à la fois stratégique et accessible. Le Sud, avec ses vastes espaces, son alimentation produite là où elle était consommée et l’absence de tout pôle industriel, constituait un défi à la stratégie militaire. Par ailleurs, Keegan déploie à nouveau sa capacité à rendre présent et humain le drame de la guerre, en particulier à travers les portraits des généraux (qu’il se permet pratiquement de noter, ce qui est finalement assez réjouissant). Et parce qu’il n’oublie jamais que l’aspect militaire n’est qu’une des facettes de l’histoire, la conclusion spécule intelligemment sur l’impact de l’aventure du soldat sur la vie politique des Etats-Unis après la guerre.


The American Civil War, John Keegan, 2009

mercredi 2 décembre 2009

Crime et Châtiment

L'odeur de l'humanité prend si bien à la gorge, à la lecture de Crime et Châtiment, qu'on attend la dernière page comme une délivrance. Dans un Pétersbourg tour à tour étouffant et dégoulinant, gangrené par les maux du Moyen Âge et par ceux du vingtième siècle, puant de misère et d'obscurantisme et abritant toutes les fermentations nihilistes, utopistes ou socialistes, Raskolnikov s'agite comme un ludion.

Autour de lui, aucun personnage qui ne soit par instants la caricature de lui-même. Sonia, image du sacrifice, est prostituée. Le juge d'instruction manipule sa proie avec cruauté, mais, finalement, pour son bien. Svidrigaïlov est débauché et sournoisement généreux. Katerina Ivanovna se tue à la tâche pour rester digne et se donne en spectacle au coin des rues. "Toute cette psychologie est à double fin", comme le dit Raskolnikov lui-même; de chaque acte, on peut déduire sur la nature et les motifs de son auteur une chose et son contraire.

Au milieu de ce carnaval, Raskolnikov est torturé par sa propre théorie selon laquelle les grands hommes, d'une autre essence que le vulgum, ont une éthique et de fait des droits particuliers, notamment celui de verser le sang pour atteindre leurs objectifs. Hélas! il est passé à l'action, et n'a pas supporté d'être un grand homme. Sa rédemption commence dans l'épilogue, quand il accepte de rejoindre la communauté des hommes-poux, au milieu des bagnards et auprès de son amie prostituée.

Crime et Châtiment est construit autour de cette réflexion un peu pataude sur la condition humaine; son originalité est sans doute dans la conjonction de cette tentative philosophique, d'une peinture sociale très frappante et d'une intrigue policière et psychologique moderne, ramassée sur une quinzaine de jours. Ce qui fait la puissance de cet amalgame tout de même légèrement indigeste, c'est son climat d'instabilité et, en fait, de danger permanent: chaque personnage est sur la corde raide, entre folie et raison - un bon tiers de l'effectif meurt d'ailleurs en cours de route - chaque scène est outrée, menaçant à tout instant de dégénérer. Quel chaudron! décidément, à l'idée de lire autre chose, on se sent soulagé.

Crime et Châtiment, Fédor Dostoïevski, 1865
Trad. D.Ergaz