Le Musée de la Poste organise une petite exposition sur l'histoire du message. On y circule dans des salles consacrées à l'Antiquité, au Moyen Âge, puis à des ères plus modernes; on découvre des vitrines de sceaux et de plis, une salle consacrée aux messages cryptés, une vitrine d'enveloppes portant des adresses en vers et une autre consacrée aux lettres au Père Noël, un coin réservé aux solutions désespérées - les messages jetés sur les voies par les déportés, écrits sur des écorces par les poilus, envoyés par pigeon voyageur depuis Paris assiégé...
J'ai parcouru l'exposition avec plaisir et j'en ressors en me demandant, finalement, ce qui fait le charme de ce genre de divertissement. Après tout, on n'apprend pas vraiment grand'chose que l'on ne savait déjà, sinon des détails qu'on s'empresse ensuite d'oublier.
Mais d'abord on est ému par toutes ces minuscules tranches d'existences depuis longtemps enfuies et ces témoignages du passé qui forment, au total, une des rares occasions que l'on a de se sentir humblement et historiquement français. On lit une ordonnance royale, un décret de l'Assemblée nationale en 1791, le chiffre de Napoléon III, des conseils de rédaction des adresses datant de la Troisième République: toutes choses que l'on comprend et qui nous sont antérieures sans nous être étrangères. De même les uniformes des postiers ou la carte des relais au XVIIIème siècle ont pour le visiteur le même caractère un peu attendrissant que les photos du mariage de grands-parents qu'on n'a connus que chenus.
L'autre source du plaisir vient de ce qu'en rassemblant les nombreuses solutions qui ont été apportées au problème consistant à faire parvenir un message au-delà du faible rayon d'action de l'être humain livré à lui-même, l'exposition réveille notre appétit naturel pour le motif, la grille d'analyse, ou la "réduction en éléments simples" (qui est juste une opération barbare pratiquée sur les fractions rationnelles, mais dont le nom résume une bonne partie de l'ambition intellectuelle du genre humain). On entre en pensant à autre chose et on ressort en s'efforçant de décomposer le plus élégamment possible en fonctions élémentaires l'opération consistant à envoyer un message. Si l'on peut affecter à ces fonctions un adjectif de quatre syllabes et plus (par exemple "le codage doit être réversible"), on ne se tient plus d'aise. Pour autant qu'on en vienne à conclure que "le message se compose d'un corps et d'un en-tête codés pour un vecteur qui doit préserver son intégrité" ou que "le codage et la transmission du message s'inscrivent dans une organisation privée, commerciale ou publique" (autrement dit, autant d'enfonçages de portes ouvertes) on frétille littéralement d'enthousiasme.
Franchement, je me demande bien pourquoi, mais c'est un fait: on a l'impression d'avoir réellement acquis une intime connaissance du concept de "message", et le fait que cette connaissance soit parfaitement stérile n'est en rien contrariant. L'esprit humain est décidément une chose fascinante, qui nous offre à si bon compte tant de plaisirs innocents.
vendredi 5 février 2010
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Rien qu'à voir, circulez! Exposer pourrait effectivement s'enrichir: d'analyser l'histoire (contribution des transmissions à l'économie, la guerre, l'amour,...), d'interpréter les facteurs d'évolution (ruptures sociales et ruptures technologiques),... éventuellement pour éclairer notre futur (quid de la révolution mms?)... Mais n'est ce pas trop demander à une collection sans prétention? à une entreprise sans ambition?
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