Le livre d’Olivier Wieviorka sur l’opération Overlord a de nombreuses qualités au premier rang desquelles sa clarté et sa relative brièveté. Lectrice paresseuse, je me souviens en effet avec effroi du récent D-Day d’Antony Beevor ; par comparaison, Wieviorka manque parfois un peu de substance – on perd les pommes vertes du Calvados pourrissant sur les blindages des chars, les soldats américains cantonnant au Bois de Boulogne avec les habituées des lieux, l’odeur des bombardements au canon de marine et la cote de toutes les taupinières entre Saint-Lô et Caen – mais le récit gagne énormément en intelligibilité.
Si l’on en croit sa conclusion, le projet du livre se résume, d’une façon à vrai dire pas très heureuse, à mettre en garde contre « une lecture héroïsée » d’Overlord (lecture naïve qui doit être assez rare chez les amateurs de ce type d’ouvrage) ; en pratique, l’ambition de couvrir Overlord depuis les aspects politiques jusqu’au déroulement des opérations et aux considérations logistiques est bien servie par un plan adroit.
Partant du contexte géopolitique le plus large et de l’histoire du projet de débarquement, le livre étudie les conditions économiques et logistiques dans lesquelles cette opération s’inscrit. On en retire notamment l'idée d'une guerre conduite par les Alliés en conformité avec les valeurs démocratiques, non tant du point de vue des armes et des stratégies employées que du point de vue du respect des libertés de leurs citoyens, même quand c'est au détriment de l'efficacité.
Les chapitres suivants déroulent le récit chronologique des opérations et mettent en lumière en particulier le succès du débarquement lui-même mais également l’impasse des premières semaines, qui voient les Anglo-Américains s’empiler dans une tête de pont difficile à étendre entre Caen et Cotentin. Tandis que Montgomery, à la tête d’une armée usée par quatre années de conflits et dépourvue de réserves, perd progressivement son crédit en piétinant devant Caen, les Américains s’affranchissent peu à peu de la tutelle militaire de leurs alliés et c’est finalement Bradley qui débloque la situation à l’Ouest du Cotentin, avant que la coalition ne rate l’encerclement de la poche de Falaise et ne prenne finalement la route de l’Est à la suite de troupes allemandes toujours pugnaces, se repliant en bon ordre pour causer aux Alliés bien d’autres soucis.
Sur les cinq chapitres consacrés aux opérations proprement dites, on note que l’auteur fait une place particulière et assez documentée aux conditions psychologiques dans lesquelles évoluent les combattants, leur consacrant un chapitre entier. Cet approfondissement est d’autant mieux venu que par ailleurs les questions qui font d’ordinaire le sel de l’histoire-bataille – la taille des canons, le nombre de chars, les qualités comparées de deux versions successives du Panzersturmgeschütz et autres points cruciaux pour initiés – ne semblent pas passionner Olivier Wieviorka.
L’élargissement de perspective qui suit ces chapitres opérationnels est également une bonne surprise puisqu’il permet de traiter du rôle de la Résistance intérieure, de la position de de Gaulle et des relations entre libérateurs et libérés ; une dimension finalement trop souvent éludée, et pour cause, par des auteurs majoritairement anglophones.
Finalement, l’ouvrage d’Olivier Wieviorka offre un bon compromis entre une documentation abondante et sérieuse, une présentation claire et des aperçus intéressants, quoique pas toujours très développés, sur des questions trop rarement évoquées. On ne lui reprochera guère qu’une correction un peu rapide et un penchant pour les titres en forme de clins d’œil lourdingues, de « Au Pays des Soviets » (pour parler des appels du pied de de Gaulle à Staline) à « L’autre côté de la colline » (en référence à l'ouvrage de Liddell Hart) en passant par le doublement consternant « à l’Ouest, rien de nouveau » suivi par « à l’Ouest, que du nouveau » : péchés véniels qui n’enlèvent pas grand-chose à un livre décidément bien fait.
Histoire du débarquement en Normandie, Olivier Wieviorka, 2007
jeudi 17 juin 2010
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