mardi 6 octobre 2009

Gros temps sur la planète

En neuf chapitres assez accessibles, surtout pour le lecteur muni de quelques notions de thermodynamique, de mécanique des fluides et de chimie, Duplessy et Morel proposent dans ce livre un tour d’horizon du climat et de son évolution.

Après avoir (s’il en était besoin, compte tenu de l’ambiance millénariste sur le sujet) ouvert le lecteur à la conscience des évolutions du climat dans le passé – évolutions difficiles à distinguer, pour l’observateur naïf, de la variabilité intrinsèque du temps en climat stable – l’ouvrage propose de suivre les pas des scientifiques qui ont reconstitué, grâce à des techniques toujours plus fines de lecture des « archives naturelles » que sont les couches de sédiments marins ou les glaces polaires, les phénomènes climatiques les plus récents, soit principalement les glaciations. Des explications variées ont été avancées pour rendre compte de ces phénomènes : la plus efficace est la théorie de Milankovitch qui les relie aux périodes longues des paramètres de l’orbite terrestre : inclinaison, excentricité, etc.

A l’issue de ces trois premiers chapitres d’introduction historique, on entre dans le vif du sujet : les deux chapitres suivants s’attachent à décrire le système terre, du point de vue thermodynamique d’abord, en mettant en évidence le rôle des circulations d’air et d’eau provoquées par les gradients de température et d’hygrométrie et par la force de Coriolis, puis du point de vue des cycles des éléments (le plus remarquable, en volume, étant le cycle du carbone). Ces deux chapitres mettent en évidence des boucles de rétroaction agissant positivement ou négativement en réponse à une variation de l’ensoleillement, par exemple. Le rôle de l’océan, énorme régulateur thermique et réserve de carbone, apparaît primordial en même temps que facile à négliger pour l’observateur non averti, à la sensibilité naturellement terrestre.

Ces repères permettent d’aborder les trois chapitres qui sont ensuite consacrés aux principales hypothèses apocalyptiques : hiver nucléaire, réchauffement massif du à l’effet de serre, voire fonte des glaces polaires. Si l’hiver nucléaire, d’ailleurs plus très à la mode, est rapidement disqualifié – même la chute de gros météores semble devoir induire des perturbations relativement limitées dans le temps et effacées en quelques années -, le réchauffement du à l’effet de serre, bien que d’une ampleur discutable, est une réalité : la difficulté est d’en mesurer l’impact à l’échelle d’une vie humaine, puisque le régime est instable sur cette échelle de temps compte tenu de l’inertie de l’océan qui induit un étalement de la réponse du système. Quant à la fonte des glaces polaires, qui provoquerait une montée des eaux de 70m pour l’Antarctique, elle est reportée aux calendes grecques du fait du courant circumpolaire glacial et du ferme ancrage des glaces australes sur un continent montagneux. Même l’Arctique, plus fragile quoique d’un volume nettement plus modeste, devrait rester stable pour l’essentiel pendant deux ou trois siècles. En tout état de cause, les auteurs insistent sur les limites des modèles mathématiques face à la complexité du système.

La conclusion remet la crise climatique prévisible en perspective des deux autres crises majeures que sont la crise écologique et la crise démographique. Compte tenu des échelles de temps en présence, ce n’est pas le climat qui causera dans l’avenir les plus graves difficultés à l’espèce humaine – même s’il est légitime de prendre dès maintenant la question en mains – mais la bombe démographique et les réflexes culturels et religieux qui l’amorcent et qui verrouillent tout débat ouvert sur le sujet.

Malgré un côté un peu frustrant inhérent au sujet plus qu’à son traitement – il est pratiquement impossible de se faire une idée fidèle du fonctionnement du système terre – il s’agit à mon sens d’un très plaisant livre de vulgarisation, qui a l’immense mérite de réintroduire dans le débat climatique la question des échelles de temps et d’espace. Je suppose en fait que, si l’on écrivait une histoire de l’erreur humaine (dans tous les domaines), cette question des échelles y tiendrait une place éminente. La confusion entre court terme, moyen terme et long terme, par exemple, est une cause majeure d'erreurs stratégiques, que ce soit dans la conduite des guerres ou dans le management des organisations.

Gros temps sur la planète, Jean-Claude Duplessy et Pierre Morel, Odile Jacob, édition 2000

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire