dimanche 21 mars 2010

La Révolution française (3)

Revoilà notre autobus S, décrit cette fois dans un style particulièrement acide. Pierre Gaxotte fait partie des gens qui pensent que tout allait mieux avant la révolution et qui vouent aux gémonies, d’un même élan, la Réforme (de la religion, pour ceux qui ne suivraient pas) et l’impôt sur le revenu. Cette étude historique lui permet de s’en donner à cœur joie.

On retrouve dans son récit les principaux traits des évènements tels qu’ils sont présentés par Furet ou Soboul : dix années de crise financière, une politique extérieure jouant un rôle de catalyseur, une société des Jacobins noyautant et dirigeant les assemblées, trois révolutions simultanées – celle du Tiers libéral, bourgeois et rationnel ; celle de la Commune égalitariste et dirigiste ; celle des campagnes, obstinément et parfois violemment dirigée contre les privilèges – et finalement l’importance du mécanisme d’aliénation des biens nationaux, facteur d’évolution sociale conduisant à une soif de stabilité.

Mais à la différence de Soboul qui voit les évènements d’un point de vue de classe et vole très haut au dessus des considérations de personnes, à la différence de Furet qui, sans faire abstraction du facteur individuel, tente d’adopter une approche relativement neutre, Gaxotte choisit de montrer ce qui fait l’horreur et le ridicule de nombreuses révolutions : l’incompétence et la faiblesse morale des hommes nouveaux. Il a la partie facile : taper sur l’insignifiance de Robespierre, sur la vénalité de Danton, sur le caractère pour le moins ambigu de Sieyès ou sur la vie sexuelle de Bonaparte, sur les mœurs douteuses des femmes parties chercher Louis XVI à Versailles en octobre 1989 et sur les erreurs des conventionnels en matière financière ou économique est à la portée de n’importe qui, d’autant qu’il y a là, forcément, une part de vérité. C’est bien le principe même d’une révolution que d’amener aux plus hautes situations, fût-ce brièvement, des marginaux et des déclassés qui ne le sont pas forcément sans raison. L’avènement de Lénine et celui de Hitler n’ont rien montré d’autre. Le texte de Gaxotte, malgré ses outrances, était de ce point de vue pertinent à l’époque à laquelle il a été écrit, quand un certain romantisme de la Révolution traversait encore la vie politique. Aujourd’hui, il ne nous apprend plus grand-chose, car qui a envie d’une révolution ? on a fini par comprendre ce qu’en valait l’aune.

Il est bien sûr intéressant de lire au travers de cette vision de la Révolution le programme maurrassien de Gaxotte, nourri par un catholicisme à vocation nettement terrestre et généralement hostile au libre-arbitre. Dans un monde surplombé par un Dieu malgré tout pas très présent, la prééminence par définition non contestable de l’Eglise fournit une échelle de valeurs qui s’utilise dans tous les domaines et qui se résume de cette façon élémentaire : qui n’est pas sexuellement dans le droit chemin (éternelle obsession de l’Eglise) ne devrait gouverner ni les hommes ni les esprits. Il faut voir, là-dessus, comment Gaxotte traite Rousseau…

La Révolution Française contribuera donc à dégoûter des révolutions un lecteur contemporain déjà assez assagi sur le sujet, tout en illustrant, contre la volonté de son auteur, la faiblesse intellectuelle de l’une des grandes positions anti-libérales. C’est donc, finalement, une fort saine lecture.

La Révolution Française, Pierre Gaxotte, 1928

1 commentaire:

  1. Bonjour, voici le genre de blog que j'aimerais tenir, mais quel rythme de lecture! Je suis tombé ici en cherchant des choses sur les ouvrages de Soboul. Les articles sur la Révolution m'ont interessé... savez-vous si Soboul a pris le temps de répondre au Penser la Révolution de Furet, que je suis en train de lire ?

    Sinon je conseille une lecture fondamentale sur la Révolution française, un roman historique dont le personnage principal est l'histoire, l'oeuvre d'une vie pour Robert Margerit : La Révolution, écrit en 12 ans, publié dans les années 1960, ayant recut un prix de l'Académie française. En 4 tomes, on cotoie le peuple et les plus grands, en suivant les aventures de quelques personnages imaginaires du Limousin (dont l'auteur est originaire). Le style est délicieux, la finesses des relations humaines fort appréciable, et c'est le moment de partager avec les personnages leurs conversations politiques autour d'un bon repas, et les grands moments de la Révolution. Folie que de passer à côté. Bonne continuation sur ce blog!

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