Je donne un peu dans la lecture alimentaire, ces jours-ci. J’ai ainsi trouvé commode d’engloutir goulûment deux romans policiers de Nicci French le même jour. (Note à l’attention de mon patron : pas de panique, c’était un jour où je ne travaillais pas). Cela me permet de vous suggérer de ne jamais faire la même chose.
Non qu’il y ait quoi que ce soit à reprocher à Plus fort que le doute ou à Feu de glace, pris séparément. Ce sont des polars tout à fait corrects pour mon goût, avec une intrigue suffisante, un décor un peu plus étoffé que celui que dont on doit souvent se contenter dans les policiers britanniques ou américains – même si cela se limite tout de même à quelques aperçus furtifs sur l’alpinisme dans l’un, sur l’ébénisterie dans l’autre – et aussi avec, hélas, le travers agaçant mais largement partagé qui consiste à faire de l’enquêteur amateur la cible du meurtrier. Je trouve que ça empêche le lecteur de profiter de l’énigme ; Sherlock Holmes au moins ne passait pas son temps à tenter d'échapper aux assassins qu’il dépistait.
Bref, ce qui est bien dommage en revanche, c’est que Nicci French ne se donnent (puisqu’ils sont deux) pas la peine de changer grand-chose d’une histoire à l’autre. L’héroïne, qui est aussi la narratrice, est une fille dotée de nombreux amis et de parents insignifiants ; elle est amoureuse de son mari mais elle doute de lui et il meurt (l’enchaînement de ces différentes phases peut varier). Pour s’affranchir du doute, elle mène sa propre enquête avec des méthodes qui lui sont propres et qui consistent principalement à se faire passer pour une amie de la victime auprès de parents ou de collègues éplorés. Au cours du processus, son entourage se prend à douter de sa santé mentale, puis le meurtrier tente de lui régler son compte, confirmant ainsi ses déductions. Voilà, vous savez tout (sauf l’identité du meurtrier, parce que je souhaite conserver mes lecteurs).
Notons tout de même, parce que la justice l'exige, que Feu de glace propose le portrait assez réussi d'un assassin hors normes. En outre, je dois avouer qu’il suffit de lire Dans la peau, autre thriller de Nicci French, pour se rendre compte que le duo est capable de bien autre chose que d’une resucée de ses précédents succès. Dans la peau n’a en commun avec Plus fort que le doute et Feu de glace que les narratrices féminines ; la construction de ce roman est très originale, avec trois héroïnes successives pour une seule enquête, et les personnalités des trois femmes sont indéniablement réussies. Pour une fois, et grâce à une audace narrative consistant à faire parler les morts, en quelque sorte (je reste sybilline pour ne pas vous gâcher le plaisir), la menace qui pèse sur la narratrice apparaît autrement que comme une ficelle usée jusqu’à la corde : au moins ne se dit-on pas au moment le plus dramatique « bah, puisqu’elle raconte l’histoire, c’est qu’elle n’est pas morte ».
Plus fort que le doute (2008) – Feu de glace (1999) – Dans la peau (2001)
Nicci French
Traduction Marianne Bertrand
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire